Ce lundi 15 juillet 2019, Hervé Morin, le président de la Normandie présidait à Epron au Nord de Caen, au centre d'un village entière reconstruit après la Libération de 1944 grâce au soutien financier des auditeurs de la radiodiffusion nationale, une émouvante cérémonie d'hommage et de mémoire aux 498 villes et villages bombardés ou totalement détruits par les terribles événements de la Seconde Guerre Mondiale: au moins 21000 victimes civiles normandes furent à déplorer.
La normande Annie Girardot n'aimait pas qu'on lui parle du Débarquement de juin 1944... A un journaliste qui lui demanda, un jour, si elle avait vu le jour le plus long, avec colère, elle répondit ceci: "vous me demandez si j'ai vu le débarquement de Normandie? Mais je me le suis pris sur la gueule!"
Pendant longtemps, sans pour autant qu'il leur fut demandé expressément de le faire, les Normands survivants et les générations suivantes trop occupées à vivre et à reconstruire dans une époque enfin moderne et confortable, se turent comme s'il y avait une gêne sinon une honte à se plaindre des tragiques circonstances d'une Libération qui fut, on le sait désormais grâce au travail honnête des historiens, payée d'un prix exorbitant puisque ces bombardements massifs n'eurent aucune utilité militaire pour gêner le mouvement des forces allemandes vers le front allié: sur l'Etoile de Normandie, Yves Loir nous a magistralement démontré la triste inutilité de ces bombardements aériens, ce tragique "travail d'ivrognes", pour reprendre la sévère formule des résistants français, puisque ce fut à l'armée Rouge de faire l'immense travail d'occuper l'essentiel des forces militaires nazies sur le front de l'Est avec une offensive déclenchée le lendemain même du Jour J.
Dans le cas contraire, si les Russes n'avaient pas lancé leur opération "Bagration" dès le 7 juin 1944, 40 divisions blindées SS aussi féroces qu'aguerries auraient déferlé sur notre pauvre Normandie et auraient certainement repoussé les Allés à la mer en dévastant totalement notre région avec des crimes de guerre certainement plus épouvantables encore que ce que les populations civiles normandes eurent à subir du ciel de la part des Alliés, officiellement tant pour géner l'ennemi que pour épargner le sang des soldats alliés selon la tactique suivie par les généraux britanniques Montgomery et Harris, ce dernier ayant encore une avenue caennaise à son nom!
Pour relire les éclairantes analyses d'Yves Loir:
http://normandie.canalblog.com/archives/2019/06/12/37421916.html
Il faudra attendre la réunification de la Normandie et le très émouvant discours du Rouennais François Hollande devant le mémorial de Caen, le 6 juin 2014 à l'occasion du 70ème anniversaire du Débarquement, pour qu'enfin, le sacrifice courageux des résistants et des civils normands soient officiellement reconnus en tant que tel avec, notamment, l'ouverture du Mémorial de Falaise.
Cependant, quand bien même Hervé Morin l'avait expressément demandé,le drapeau normand ne flotte toujours pas sur l'esplanade du Mémorial de Caen:c'est la raison pour laquelle nous pavoisons régulièrement à nos couleurs rouge et or la plaque commémorative du discours présidentiel de 2014...
http://normandie.canalblog.com/archives/2014/06/30/30171227.html
Pour réécouter ce beau discours (eh oui!) de François Hollande devant le Mémorial de Caen le 6 juin 2014:
http://www.normandie-heritage.com/spip.php?article982
L'historien Henri Amouroux, non sans lucidité, disait ceci:
« Pour beaucoup de Français, aujourd’hui, les morts de la Libération ont péri dans les maquis, dans les prisons allemandes, dans les camps, dans les rang de la 2e D.B. [...] Les Français, ceux de Normandie surtout, longtemps sous le feu, lorsqu’ils n’étaient pas pris entre deux feux, n’occupent qu’une modeste place dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Leurs souffrances et les horreurs des camps, ont été effacées par les joies de la Libération. Et l’image de la grasse, de la riante Normandie, l’a toujours emporté sur la réalité de la Normandie assassinée. »
Ce 15 juillet à Epron, Hervé Morin a donc voulu, lui aussi, rendre hommage à cette mémoire normande blessée qui sort enfin des ombres de la pudeur et de l'introversion en présentant la liste complète des 498 communes normandes sinistrées pendant la Seconde guerre mondiale, villes et villages partiellement ou totalement reconstruits avec une Reconstruction qui ne fut jamais à l'identique et dont la qualité et l'esthétique restent encore discutées 75 ans après, sauf exception (on pensera ainsi à Aunay sur Odon, chef d'oeuvre de la reconstruction dans un style néo-régionaliste ou au Havre, chef d'oeuvre d'une reconstruction dans le style moderniste néo-classique d'Auguste Perret).
Aunay-sur-Odon (Calvados): chef d'oeuvre accompli d'une reconstruction de style néo-régionaliste, notamment l'église Saint Samson doté d'un grand clocher pyramidal de pierre qui rend hommage au style normand des XIe et XIIe siècles...
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Dans la majorité des cas, l'architecture de la Reconstruction n'est pas sans qualités et ne nécessiterait pas d'être, à son tour, reconstruite comme on le fait en ce moment en Allemagne pour se débarrasser d'une architecture bétonnée, industrialisée et intrinsèquement médiocre: cependant, à Lisieux, à Saint-Lô, Vire, Rouen ou Caen, certaines démolitions sélectives pourraient être faitespour requalifier certains quartiers et changer l'image de la ville en associant valorisation patrimoniale du meilleur de la Reconstruction des années 1950 et reconstruction à l'identique de certains éléments architecturaux historiques datant d'avant 1944 et qui manquent encore cruellement àl'identité de nos villes meurtries (méthode allemande): on pourrait ainsi reconstruire à l'identique l'un des manoirs urbains à pan de bois de Lisieux, le portail de l'ancien hôtel-de-ville de Caen place de la République, reconstruire à l'identique la façade harmonique à deux flèches de l'église Notre-Dame de Saint-Lô pour que nos villes normandes n'aient plus la"gueule cassée".
Exemple à Caen: l'ensemble de barres formant le quartier "Trébucien"à la pointe de l'île Saint-Jean dans le centre ville de Caen va être progressivement rasé...
https://actu.fr/normandie/caen_14118/la-transformation-lilot-trebucien-face-rives-lorne-caen-demarre_18746524.html
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A Rouen, l'architecture de la Reconstruction, notamment le front de Seine rive droite, n'est vraiment pas une réussite...
AVANT:
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APRÈS: (le choc est rude...)
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Voir aussi ces deux films des actualités cinématographiques, le premier (1945) consacréà Rouen "ville martyre" (un film d'une émouvante colère) et le second consacréà la reconstruction de Caen (1950) placé"sous le haut patronage" du ministère de la reconstruction et de l'urbanisme" au ton plus volontariste ("les Caennais s'habituent au nouveau visage de leur ville" ben voyons!!!) avec une musique de Jean Wiener qui reprend de façon acide la célèbre mélodie de Frédéric Bérat...
https://www.dailymotion.com/video/xx9jrv
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https://www.dailymotion.com/video/x15g1z9
![caen1950]()
Mais pour oser remodeler aussi profondément cet héritage architectural et urbanistique de la Reconstruction des années 1950/1960, cela suppose que les élus locaux normands, à commencer par Hervé Morin, aient un courage culturel qu'ils n'auront évidemment jamais pour affronter les tabous esthétiques et idéologiques prescripteursd'une caste des haut-fonctionnaires officiellement chargée de défendre l'intérêt général du patrimoine historique et architectural avec une efficacité que l'on peut déplorer tous les jours!
Seule audace autorisée pour l'instant, la colorisation des façades cimentées de la Reconstruction: Saint-Lô ville particulièrement sinistrée et sinistre, a osé la première la couleur à l'initiative du peintre Dufour-Coppolani. La ville d'Evreux est aussi tentée par l'expérience...
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https://actu.fr/societe/normandie-apres-les-facades-colorees-de-saint-lo-evreux-se-reve-en-couleurs_478076.html
Voir aussi:
https://www.valeursactuelles.com/culture/saint-lo-couleurs-sur-la-ville-43604
Ainsi que les archives de l'Etoile de Normandie:
http://normandie.canalblog.com/archives/2013/10/11/28196053.html
Néanmoins, la région s'apprête à financer un vaste plan de valorisation, de réaménagement voire de restauration des architectures des centre-villes normands reconstruits après la dernière guerre mondiale: on ne pourra que s'en féliciter par principe!
Enfin, et c'est symboliquement très important, Hervé Morin a aussi annoncé que, chaque année durant l'été, une cérémonie d'hommage et de mémoire des Normands tués en 1944 et commune à toute la Normandie, aura, désormais lieu dans l'une des 498 communes normandes "martyres" de la Seconde guerre mondiale. A cette occasion, une médaille commémorative sera décernée par la région.
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498 communes normandes furent sinistrées partiellement ou totalement entre juin 1940 et septembre 1944, chiffre à ce point conséquent qu'il est plus simple, hélas, de faire la liste des villes normandes qui furent épargnées:
Manche:
Saint-James, Pontorson, Le Mont-Saint-Michel, Villedieu-les-Poêles, Granville, La Haye-Pesnel, Saint Sauveur-Lendelin, Carentan, Barneville-Carterêt, Bricquebec, Les Pieux, Quettehou, Saint-Vaast-la-Hougue.
Calvados:
Saint-Sever, Vassy, Caumont-L'éventé, Balleroy, Bayeux, Port-en-Bessin, Douvres-la-Délivrande, Courseulles, Bernières, Saint-Aubin, Langrune, Luc, Lion, Ouistreham, Merville-Franceville, Cabourg, Dives-sur-mer, Houlgate, Villers, Deauville, Trouville, Honfleur, Saint-Pierre-sur-Dives, Livarot, Cambremer, Orbec, Blangy-le-Chateau.
Orne:
Tinchebray, Messei, Athis, Briouze, la Ferté-Macé, Bagnoles-de-l'Orne, Mortrée, Almenêches, Sées, Alençon, Exmes, Gacé, Le Merlerault, Moulins- la- Marche, Courtomer, Tourouvre, Mortagne, Longny, Bazoches, Le Mêle-sur-Sarhe, Pervenchères, Rémalard, Nocé, Bellême, Le Theil-sur-Huisne.
Eure:
Verneuil-sur-Avre, Breteuil, Rugles, Damville, Conches-en-Ouche, Broglie, Beaumesnil, Beaumont-le-Roger, Bernay, Thiberville, Cormeilles, Pont-Audemer, Beuzeville, Saint-Georges-du-Vievre, Monfort-sur-Risle, Bourgtheroulde, Amfreville-la-campagne, Le Neufbourg, Saint-André-de-l'Eure, Lyons-la-forêt, Etrépagny, Ecos, Pont-de-l'Arche, Le petit Andely.
Seine-Maritime:
Elbeuf, Lillebonne, Quillebeuf-sur-Seine, Harfleur, Montivilliers, Sainte-Adresse, Etretat, Bolbec, Fécamp, Criquetot-l'Eneval, Cany-Barville, Goderville, Ourville-en-Caux, Fauville-en-Caux, Luneray, Tôtes, Yerville, Doudeville, Saint-Saens, Barentin, Pavilly, Clères, Buchy, Elbeuf, Fleury-sur-Andelle, Envermeu, Argueil, Forges-les-eaux, Eu.
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Voir aussi cet article de Paris-Normandie:
https://www.paris-normandie.fr/actualites/societe/la-normandie-rend-hommage-aux-victimes-civiles-de-1944-OE15336495
La Normandie rend hommage aux victimes civiles de 1944
Le conseil régional de Normandie rendra chaque année hommage aux quelque 20.000 Normands qui ont perdu la vie lors de la libération de la région en 1944, a annoncé son président Hervé Morin lors de la premier cérémonie régionale dédiée aux civils.
Le conseil régional de Normandie rendra chaque année hommage aux quelque 20.000 Normands qui ont perdu la vie lors de la libération de la région en 1944, a annoncélundi 15 juillet 2019 son président Hervé Morin lors de la premier cérémonie régionale dédiée aux civils.
«Aucune cérémonie commune à toute la Normandie ne portait le souvenir des disparus civils de la bataille de Normandie. C’est cet oubli que la région souhaite réparer par une manifestation qui aura lieu chaque année durant l’été», a assuré le président de Région Hervé Morin (Les Centristes) lors de cette cérémonie en présence de quelques centaines de personnes à Epron (près de Caen), une des «498 villes martyres» de 1944 selon la Région.
Le «lourd tribut» payé par les Normands à la libération de leur région, qui fut un tournant dans la libération de l’Europe, est longtemps resté dans l’ombre. En 2014, une cérémonie nationale présidée par François Hollande leur a pour la première fois rendu hommage. Pour le 75e anniversaire du Débarquement le 6 juin, leur sort a étéévoqué mais il n’a pas fait l’objet d’une cérémonie spécifique.
«La Normandie est la région de France qui a reçu le plus de bombes. Sur 60.000 Français civils tués pendant la guerre, 20.000 le seront en Normandie, essentiellement en 1944», a précisé durant la cérémonie de lundi l’historien Stéphane Simonnet, chercheur à l’université de Caen.
« On attendait les parachutistes, et c’est la mort qui tombe du ciel»
La France qui recevra 22% des bombes alliées de la guerre (soit 550.000 tonnes) sera le pays le plus bombardé par les Alliés après l’Allemagne, souligne-t-il.
«Comme le monde entier, nous avons retrouvé la liberté et la dignité et cela n’a absolument aucun prix mais nous avons aussi payé un lourd tribut. Il est d’autant plus important de le dire et de le répéter que la disparition des derniers vétérans, mais aussi des témoins de cette bataille risque de faire tomber dans l’oubli cette part des affrontements de l’été 44», a ajouté Hervé Morin.
«On a l’impression que le ciel se déchire. Le sol tremble, les murs ondulent avant de s’écrouler. C’est l’effondrement, c’est-à-dire l’enfer (...). Il y a la peur physique mais il y a aussi le temps d’adaptation mentale. On attendait les libérateurs. On attendait les parachutistes. Et c’est la mort qui tombe du ciel», a expliqué Jeannine Koch, une institutrice à la retraite qui a vécu les bombardements de Vire (Calvados), dans un témoignage enregistré diffusé durant la cérémonie.
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