Pour terminer de manière grandiose et solennelle cette édition 2017 de la Fête des Normands, ce dimanche 1er octobre 2017, dans l'abbatiale Saint Etienne de Caen, était organisé un superbe concert dédiéà la mémoire de Guillaume Le Conquérant,à l'occasion du 930ème anniversaire de sa mort, survenue le 9 septembre 1087 au prieuré Saint Gervais près de Rouen.
Le vénérable vaisseau de pierre était rempli d'un public nombreux qui humait l'air intérieur encore embaumé d'encens. La majesté un peu intimidante du grand orgue Lefebvre-Cavaillé-Coll, l'un des plus importants de France, trônant sur sa tribune au fond de la nef, fit alors résonner, avec le concours d'un choeur de cinquante chanteurs et du chatoiement de l'orgue Dupont situé dans le choeur d'une abbatiale aussi grande qu'une cathédrale, la messe solennelle opus 16 écrite en 1900 par Louis Vierne, le célèbre titulaire des grandes orgues de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Pour écouter ce monument musical, voir le lien suivant:
https://www.youtube.com/watch?v=-zjlRHP0tjk
L'abbatiale Saint Etienne de Caen a été fondée sur l'ordre du duc Guillaume Le Conquérant afin d'y être inhumé au centre d'un choeur monastique masculin tout comme son épouse Mathilde le fut plus à l'Est à l'abbatiale de la Sainte Trinité: elle y repose encore, entière, dans un choeur monastique féminin. Malheureusement, les guerres et les révolutions se sont acharnées sur le tombeau du Conquérant et de sa dépouille il ne reste plus que le fémur de la jambe droite...
La plaque tombe datant du XVIIIe siècle avec l'inscription latine dont la traduction française est la suivante:
"Ici est la sépulture de l'invaincu Guillaume le Conquérant duc de Normandie et roi d'Angleterre, fondateur de cette maison et qui mourut l'an 1087"
Il faut aussi se rappeler que la cérémonie funèbre d'inhumation du Conquérant à la fin de septembre de l'année 1087 fut émaillée d'incidents demeurés célèbres: la fin du règne du plus célèbre des Normands fut, d'ailleurs, bien triste...
Après ce mémorable concert, de retour à notre domicile et compte tenu de circonstances politiques à nouveau déterminantes pour la suite de l'histoire séculaire de la Normandie, nous avons écrit et posté la lettre qui suit à l'attention de Monsieur Hervé Morin, président de la région Normandie:
Philippe CLERIS
Collectif Bienvenue en Normandie
Webzine "Etoile de Normandie"
Séminaire "Normandie" de l'U.P. Caen
A l'attention de Monsieur,
Hervé MORIN, président de la Normandie
objet: Face au Grand Paris d'Emmanuel Macron, le grand pari normand
Cher monsieur,
En ce dimanche 1er octobre 2017 était fêté, sous les vénérables voûtes de l'abbatiale Saint Etienne de Caen, le 930ème anniversaire de la mort de Guillaume Le Conquérant, décédé le 9 septembre 1087 au prieuré St Gervais à Rouen. La grandiose et superbe messe solennelle pour choeur et deux orgues écrite en 1900 par Louis Vierne, le célèbre organiste de Notre Dame de Paris, a résonnéà la mémoire du Conquérant et c'était ainsi la plus belle façon de conclure un week-end de fêtes et de réjouissances dédiées à la Normandie et aux Normands autour de la date de la Saint Michel (29 septembre).
Alors que cette musique de majesté planait au dessus de nos têtes, je ne cessais de penser à ce que peu de Normands savent, hélas pour l'instant, concernant l'avenir même de notre région en conséquence des décisions qu'envisage de prendre notre président de la République au sujet du Grand Paris et qui nous seront présentées le 23 octobre prochain. En me recueillant, à la fin du concert, devant la plaque tombe du Conquérant dans le choeur de l'abbatiale, je pensais aux circonstances de la mort de notre grand duc-roi: l'expédition de Mantes-la-Jolie fut celle de trop avec, déjà, la question du contrôle de l'Axe Seine en aval de Paris.
En discutant, à la sortie, avec quelques amis pour leur dire que le concert que nous venions d'entendre avait une actualité politique urgente, ils furent stupéfaits d'apprendre ce qui pourrait arriver à notre région dans la perspective d'un Grand Paris tendu, à nouveau, jusqu'à la mer tel un élastique posé sur une Normandie qu'on vient à peine de réunifier après soixante années d'une division calamiteuse décidée pour les mêmes raisons depuis le Plan Delouvrier. Réaction: "mais c'est épouvantable ce que vous dites ! On en a parlé dans Ouest-France?"
Et c'est bien là le problème! Le grand public normand n'est au courant de rien alors qu'un récent sondage a montré l'attachement des Normands à l'idée d'unité régionale et à la possibilité d'un projet politique normand: l'occasion de faire une grande opération de pédagogie normande est arrivée, notamment auprès de nos lycéens qui, au mieux, ne connaissent pas leur région et qui, au pire, en ont une image très négative... (expérience personnelle d'enseignant en lycée professionnel). Les Normands doivent enfin savoir qu'un projet normand existe, qu'il est irréversible et qu'il sera, pour longtemps, le seul projet collectif positif pour ici et maintenant.
Le pouvoir central jacobin et parisien semble être aux abois: l'argent manque et un pouvoir qui n'a plus les moyens de son arrogance est un pouvoir illégitime. Emmanuel Macron me fait un peu penser à Jean Sans Terre ces temps-ci... C'est pour nous une opportunité historique:
Confronté au même manque de vergogne de la part du gouvernement, Xavier Bertrand propose de "nordiser" le Canal Seine Nord Europe: il nous faut, de la même façon, "normandiser" l'Axe Seine. Et même si le projet nordiste semble être, a priori, opposé aux intérêts des grands ports maritimes normands, il serait politiquement intéressant de faire une alliance Nord-Normandie pour réclamer la même chose:
Qu'un intérêt national puisse être piloté, gouverné depuis le territoire où il se trouve et non plus depuis un bureau parisien lointain. Celui qui tient réellement les cordons de la bourse (la région) doit avoir le pouvoir.
Après le désastreux congrès de l'ARF à Orléans et une belle journée des dupes sous les ors du Sénat, on peut dire que l'ère de la décentralisation, commencée en 1982, fondée sur un contrat de confiance quelque peu paternaliste entre l'Etat central et les collectivités territoriales, est terminée: l'Etat central parisien ne saurait traiter plus longtemps les collectivités territoriales et leurs habitants qui constituent la trame même du pays comme un donneur d'ordre lointain traiterait ses sous-traitants: payés à plus de 90 jours, relégués dans la précarité et ayant en charge les externalisations les moins ragoûtantes. On supportait, jusque-là, l'intelligence pleine de morgue de l'aristocratie d'Etat tant que cette dernière planifiait et agissait pour l'avenir avec les moyens financiers afférents (par ex: les contrats de plan). Comme il n'y a plus (officiellement) d'argent dans les caisses et que le roi de Bercy est nu, un moment "néo-girondin" est arrivé face au dernier prurit d'un jacobinisme en phase terminale:
Au "laisser faire, laisser passer"de l'idéologie néo-libérale officielle qui pénètre tous les cabinets ministériels parisiens, le temps est venu d'opposer un "laisser nous faire"qu'on n'a pas assez essayé dans notre France historiquement marquée par un centralisme autoritaire.
Face au Grand Paris d'Emmanuel Macron, le grand pari normand serait d'expérimenter le pilotage normand d'un enjeu national présent au coeur même de la Normandie. La vallée de la Seine devrait être l'une des toutes premières régions logistiques d'Europe (Gateway) si la noblesse parisienne s'était davantage intéressée à ces matières trop roturières pour elle (par ex: l'économie maritime).
Par exemple: dans le cadre d'une agence nationale de développement de l'Axe Seine avec des Normands à tous les étages et installée en Normandie, il s'agirait de transformer le port du Havre en hub logistique reliéà l'Europe centrale et à l'Espagne avec des entrepôts pour dépoter les conteneurs du Havre au Havre. Voilà qui garantirait vraiment l'avenir de notre grand port maritime qui n'est, pour lors, qu'un port de transit de marchandises mal desservi par le fret ferroviaire, encore enclavé, (un tunnel ferroviaire sous-fluvial par caissons immergés dans l'estuaire serait la solution technique la plus idéale et la moins coûteuse) et toujours dépendant des caprices de son client quasi unique: la région parisienne.
Bien entendu, je soutiens totalement votre idée de "régionaliser" les GPM pour que les acteurs portuaires aient enfin voix au chapître: un voyage d'étude dans un port municipal belge ou un port régional allemand ferait du bien à certains...
Pour finir, revenons sur cette idée de proposer un "capitalisme séquanien normand" comme il aura pu exister, un temps, un "capitalisme rhénan":
Derrière cette analogie séduisante il y a matière à formuler et à mettre en oeuvre un projet régional normand innovant, de rupture, voire de le présenter comme l'antidote à l'actuel modèle dominant en France qui consiste à concentrer tout et tous en un lieu urbain unique avec une organisation sociale qui reste verticale, autoritaire, discrétionnaire: si le modèle du Grand Paris reste celui du jacobinisme, c'est à dire, la version française de l'Urbs romaine et impériale, l'entropie sera inévitable. Sous les coups de la 3ème révolution industrielle numérique aussi incertaine dans ses conséquences sociales que le réchauffement climatique, ces grandes mégalopoles trop massives et trop complexes risquent de s'effondrer sur elles-mêmes comme des super-novas fatiguées et nous, Normands, nous aurions le triste privilège d'être aux premières loges.
Avec la fusion numérique possible entre vieille et nouvelle économie, entre tradition et modernité, entre patrimoine et innovation, avec une géographie régionale où tout est déjà en réseau, avec une économie très diversifiée mais avec, aussi, des retards à combler (élever le niveau des diplômes, des formations et des salaires pour garder nos jeunes talents chez nous) et, surtout, avec une société civile adulte pleine d'idées, qui aspire à l'autonomie, au bien être et à la qualité en toute chose, le projet normand aurait pour mission de ... sauver le Grand Paris de lui-même. A condtion que les Normands soient, à nouveau, conquérants et, tout d'abord, conquérants d'eux-mêmes.
Avec mes meilleures salutations normandes,
M. Philippe Cléris