On se souvient du début de l'année 2015... La CCI du Havre nous avait gratifié d'un joli et très sympathique coup de com à l'occasion du 20ème anniversaire de l'inauguration du Pont de Normandie devenu le symbole contemporain de l'unité normande retrouvée.
Mais le revers de la carte postale proposée par nos talentueux amis d'Heula risque d'être moins séduisant du point de vue de l'intérêt général normand... Et l'actualité toute récente, à savoir, la grogne des usagers normands du pont qui devrait être le leur à l'occasion d'une modification injustifiée des conditions d'abonnement pour le passage nous le rappelle:
Le pont de Normandie est un tiroir caisse tout comme, d'ailleurs, le pont de Tancarville exploité lui aussi depuis 1959 par la CCI du Havre. Alors oui quand on avance cet argument sonnant et trébuchant on nous rétorquera par l'argument massu du réalisme: on ne pouvait pas faire autrement. Il faut bien rembourser les emprunts. Et argument massif final pour clore toute discussion: comme la Normandie n'existait pas et qu'aucun élu important n'avait voulu la faire politiquement exister avant le... 1er janvier 2016 (Merci à François Hollande au passage...), la CCI du Havre était bien seule à vouloir et à pouvoir assumer ces très lourdes et très ambitieuses infrastructures indispensables à l'intérêt général normand: il a donc fallu nous débrouiller par nos propres moyens. Nous avons empruntés: les usagers normands nous aideront à rembourser...
Vous aurez certainement la même impression: cette histoire sainte du Pont de Normandie ne nous convient pas...
Alors on vous en proposera une autre ci-dessous:
Michel Duval, fin connaisseur de tous les grands dossiers d'intérêt général plus ou moins ensablés dans l'Estuaire normand nous propose un autre récit à partir du dossier de presse officiel diffusé par la CCI du Havre lors du 20ème anniversaire du pont de Normandie...
- Tout d'abord, le dossier de presse communiqué par la CCI du Havre:
- Les analyses et éclairages (im)pertinents de Michel Duval:
CCI DU HAVRE - DOSSIER DE PRESSE 20 ANS DU PONT DE NORMANDIE ANALYSE
« C’est unique en France. Nulle part ailleurs, une Chambre de commerce et d’industrie n’aura construit et depuis, géré deux ponts (Tancarville et Normandie) aussi essentiels au développement économique de son territoire. »
Michel Duval :
La CCI du Havre dans toute sa splendeur ! Elle n’a pas fini de vivre sur une gloire originelle qui n’est, hélas, selon moi, plus justifiée…
« …/… Pour Vianney de Chalus, Président de la CCI du Havre, « Désenclaver et développer l’estuaire de la Seine sont les deux raisons pour lesquelles les chefs d’entreprises, élus de la CCI du Havre, ont pris la décision dans les années 90 de s’engager dans ce projet majeur d’aménagement du territoire. Sans cette prise de risque, les ponts n’existeraient pas et sans doute, la face de la Normandie en eut-elle été autre ! »
Michel Duval :
Dommage que les chefs d’entreprises, élus de la CCI du Havre, se soient désintéressés du besoin de désenclavement ferroviaire sur lequel j’ai attiré l’attention de la communauté politico-industrialo-portuaire du Havre depuis le milieu d’année 1997… La face de la Normandie en eut été autre !…
« Après celui de Tancarville, le pont de Normandie illustre l'audace et la ténacité dont ont su faire preuve les élus de la CCI du Havre en oeuvrant pour le désenclavement de la ville et la construction de l'Estuaire. Car il a fallu convaincre les décideurs et les populations concernées, trouver les financements et réunir les compétences. La persévérance des présidents de la CCI du Havre leur a permis d’obtenir la concession et le soutien des responsables politiques de la région et de recueillir les garanties des assemblées régionales et départementales (Haute Normandie, Seine Maritime, Calvados et Eure).
Enfin, l’engagement des collectivités locales a convaincu les banques d’accorder les financements nécessaires. La volonté de l’État de lancer un programme de grands travaux a été la dernière pierre qui manquait à l’édifice pour que les travaux puissent démarrer.
L'État soutient le projet en accordant à la CCI du Havre, la concession du Pont de Normandie, adossée à celle du Pont de Tancarville, jusqu'en 2026. La Grande Normandie se profile… »
Michel Duval :
Les élus de la CCI du Havre auraient peut-être dû faire preuve d’au moins autant d’audace et de ténacité pour convaincre l’ETAT de contribuer au financement des ponts de Tancarville puis de Normandie…
Ils ont obtenu le soutien des responsables politiques de la région et recueilli LES GARANTIES des assemblées régionales et départementales (Haute Normandie, Seine Maritime, Calvados et Eure)… Tant mieux ! Mais le problème, c’est que, par la suite, les garants avaient tout intérêt à ne pas se retrouver en situation de débiteur, donc de permettre à la CCI du Havre d’assurer sa solvabilité grâce au produit des péages encaissés sur les deux franchissements routiers gérés par elle… Donc, éventuellement, de faire obstacle à l’émergence d’une concurrence… par exemple ferroviaire au moyen d’un tunnel composé de caissons immergés que je propose de réaliser depuis le milieu de l’année 1997…
« …/… Un système de péage est mis en place (principe de l’utilisateur payeur) au passage du Pont afin d'en assurer l'entretien et constituer le fonds de réserve imposé par l'État dans le cadre de la concession. En 2015, cela fait maintenant 20 ans que le Pont de Normandie oeuvre au rapprochement des deux Normandies, au désenclavement du second port français, et contribue progressivement à concrétiser l'Estuaire. »
Michel Duval :
L’ETAT n’était pas là pour financer mais… il est là pour imposer la constitution d’un fonds de réserve !…
« …/…
- · Le 15 septembre 1986, le Ministre de l’Équipement donne son accord de principe à la construction, sans apport budgétaire, si le financement peut être garanti par les collectivités. »
Michel Duval :
Confirmation de la défausse de l’ETAT…
- Dès lors, début 1987, le Conseil Régional de Haute Normandie, les Conseils Généraux de la Seine-Maritime, du Calvados et de l’Eure, votent à l’unanimité les garanties du projet."
Michel Duval :
Confirmation de l’engagement des assemblées régionales et départementales de garantir le financement… Le piège se referme…
« …/… Montant des travaux : coût total de l’opération de 419 millions d’euros financé partiellement par un emprunt de 386 millions d’euros. »
Michel Duval :
Pour comparaison, j’estime le coût du franchissement ferroviaire de l’estuaire de la Seine au moyen d’un tunnel composé de caissons immergés, que je propose en vain depuis le milieu de l’année 1997, par extrapolation à partir de réalisation d’ouvrages du même type en Europe de l’ouest, à un montant compris entre 300 et 500 millions d’euros…
« … /… Le pont de Normandie, un maillon de la route des estuaires
Avant l’ouverture de l’A29, la fonction du Pont de Normandie consistait essentiellement à organiser les échanges entre les deux rives. La mise en service progressive de l’A29 Sud et Nord, directement connectée au Pont de Normandie a modifié la donne en inscrivant dorénavant le Pont de Normandie comme un maillon de la Route des estuaires, c’est-à-dire en le positionnant comme un point de passage, alternative d’évitement de la région parisienne, pour des flux entre les régions du Nord de la France et de l’Europe avec celle du Sud/Sud-Ouest. Ce nouveau schéma routier a par ailleurs amélioré de façon substantielle le rapport distance/temps qui existait entre la Normandie et des régions périphériques du Nord et de l’Ouest de la France. »
Michel Duval :
La CCI du Havre n’éprouve aucune difficultéà imaginer une route des estuaires pour des flux (routiers) entre les régions du Nord de la France et de l’Europe avec celles Sud/Sud-Ouest… Mais concevoir le désenclavement ferroviaire… du Havre dépasse son entendement… Pourtant, la distance entre Le Havre et Caen est d’environ 250 kilomètres en train (détour inévitable par Rouen, avec correspondance !?) alors qu’elle n’est que d’environ 100 kilomètres par la route…
« …/… Les deux ouvrages ont été financés par un emprunt de la CCI, avec un remboursement total prévu en 2026, soit un an avant la fin de la concession en 2027. »
Michel Duval :
Peut-être qu’à partir de 2028, la CCI du Havre et de l’estuaire commencera à envisager un franchissement ferroviaire de l’estuaire en aval du pont de Tancarville… J’espère qu’entre-temps, le port du Havre n’aura pas trop souffert du déficit de desserte ferroviaire dans son hinterland…
« …/… Pourquoi les ponts sont-ils payants ?
Les ponts de Normandie et Tancarville sont payants :
- Parce que c’est le principe utilisateur payeur qui a été retenu ;
- Parce que les ponts doivent être entretenus ;
- Parce qu’il faut rembourser les emprunts contractés pour leur construction, pour le changement des suspensions du pont de Tancarville et les nouveaux aménagements ;
- Parce qu’il faut des provisions pour gros travaux ;
- Parce qu’il faut constituer le fonds de réserve exigé par l’État dans le cadre de la concession. »
Michel Duval :
Et on retrouve la constitution du fonds de réserve exigé par l’ETAT, lequel n’a pas participé au financement mais perçoit la TVA pour tout ce qui est lié aux deux franchissements routiers de l’estuaire de la Seine !…
« …/… Pourquoi la CCI du Havre ne peut-elle pas baisser les tarifs de passage ?
Elle n’en a tout simplement pas le droit. D’après le cahier des charges de la concession, la CCI doit augmenter ses tarifs tant que le fonds de réserve n’est pas constitué et les emprunts remboursés :
- Ce sont quelques 300 millions d’euros d’emprunts antérieurs restant dus au 31 décembre 2013,
- Et auxquels s’ajoutent les 60 millions d’euros d’emprunt nouveau lié aux travaux d’amélioration des accès du Pont de Tancarville et du viaduc du grand Canal. »
Michel Duval :
La pauvre CCI du Havre, qui n’a pas le droit de ceci et de cela, et qui n’est pourtant pas rancunière envers l’ETAT…
« Pourquoi le passage du Pont de Normandie est-il plus cher que celui du Pont de Tancarville ? Tout d’abord, les deux ouvrages sont de taille et de conceptions différentes. Ils ont également été réalisés avec des contraintes techniques, réglementaires et économiques totalement différentes.
Par ailleurs, le trajet entre les deux rives de l’Estuaire par le pont de Normandie permet d’éviter un long trajet : le coût de franchissement de cet ouvrage a été notamment calculé par rapport au coût global du trajet s’il avait fallu emprunter le pont de Tancarville. »
Michel Duval :
« Par ailleurs… Tancarville » : Quelle subtilité de raisonnement ! Je suis sûr que cela console les usagers…
Michel Duval, le 12/05/16
Commentaire de Florestan:
Avant la restauration d'un pouvoir ducal légitime et fort enfin au service de l'intérêt général de la duché et de ses habitants, Guillaume Le Bâtard et pas encore conquérant a dû lutter fermement contre l'établissement des "châteaux adultérins" qui avaient profité de la vacance d'un pouvoir ducal fort pour prospérer au nom... de l'intérêt général: concrètement, taxer le passage d'un pont ou d'un gué afin de pouvoir en assurer la sécurité et l'entretien... C'était dans la première moitié du XIe siècle.
950 années plus tard, le nouveau duc de Normandie est confrontéà la féodalité au coeur de la région: quelles mesures va-t-il devoir prendre?