La renaissance du château de Caen, l'une des plus grandes enceintes castrales du Moyen-âge occidental, lieu emblématique de l'épopée du duc Guillaume Le Conquérant se précise après de longues années de quasi jachère de l'ambition ou de la vision.
Dans le cadre d'un schéma directeur qui planifie des travaux jusqu'aux années 2026, le château ducal à partir duquel la ville moderne de Caen s'est développée comme seconde capitale régionale voulue par le duc-roi sur la rive occidentale de la Seine, va enfin être valoriséà la hauteur de son importance historique et patrimoniale... Une réunion du comité de pilotage s'est tenue récemment pour notamment préciser le projet paysager au pied des remparts présenté, dans ses grandes lignes, en mars 2017.
Certes, le grand donjon autrefois haut de 30 mètres élevé par Henri Beauclerc au XIIe siècle a disparu sous la Révolution et Napoléon1er (pour punir la ville d'avoir accueilli la rébellion girondine de 1793 et pour s'être manifestée contre le Petit corse en 1812...). Certes, quelques occasions ont été perdues pour doter le château et la ville d'un projet patrimonial et touristique attractif (on pensera au projet avorté d'accueillir dans l'enceinte castrale caennaise l'exposition permanente "Normands peuple d'Europe") et l'état actuel de l'enceinte ne suscite aucunement la curiosité historique puisque le château est d'abord appréhendé et utilisé comme un espace public utilitaire sans vision commune et partagée en dépit de l'existence du fameux "schéma directeur": pour lors, le château est un parc public avec un parking!
Plus fondamentalement, il manque à Caen une vision clairement affirmée et assumée au niveau de la stratégie de développement territorial pour faire du patrimoine historique et culturel l'atout maître pour le rayonnement et l'attractivité de la ville: Le potentiel, magnifique, évident (trop évident) est làmais les espaces publics caennais manquent d'élégance, d'intérêt ou d'originalité. Les grands monuments (château, églises et abbayes) sont entretenus mais le reste du patrimoine architectural ne fait l'objet d'aucun soin particulier puisque nous avons ici un Architecte des Bâtiments de France aux abonnés absents sinon incompétent. Les promoteurs immobiliers ont littéralement carte blanche et pratiquent une rénovation radicale urbaine au profit d'une architecture banale, standardisée sinon médiocre dans une ville qui a déjàété radicalement rénovée sur plus de 50% de sa surface bâtie de 1944 aux années 1960.
Néanmoins, une Aire de Valorisation de l'Architecture et du Patrimoine (AVAP) est à l'étude pour cadrer et qualifier l'activité des promoteurs pour que le patrimoine bâti datant d'avant 1944 soit mieux protégé.
La ville dispose du label "ville d'art et d'histoire" depuis 2012 mais n'en fait rien: il n'y a toujours pas à Caen de musée ou de centre d'interprétation spécifiquement dédiéà l'histoire de la ville dont l'image touristique reste marquée par la Seconde Guerre Mondiale et la présentation dramatique qui en est faite au Mémorial situé en périphérie de la ville.
Enfin, n'insistons pas car nous en avons hélas trop parlé, il y a ce projet de centre commercial désastreux pour bétonner l'un des rares poumons verts présent dans le centre historique caennais, place de la République: ce projet, à lui seul, démontre que la municipalité n'a pas compris que l'attractivité et le rayonnement d'un centre ville, qui plus est celui d'une ville bénéficiant du label "ville d'art et d'histoire", ne peut être totalement fondé sur une offre commerciale peu originale ou peu qualitative:
La chalandise locale n'étant plus suffisante pour faire vivre l'offre commerciale du centre ville de Caen, il lui faut le renfort de la chalandise touristiquequi ne viendra à Caen que s'il y a une belle ville historique, monumentale, patrimoniale et culturelle à admirer, à contempler et à visiter...
Après des années d'abandon, la ville de Caen est devenue symboliquement une jachère: entre 1066 et 1944, Caen a disparu... La page héroïque de la modernité d'Après-guerre se tourne en ce moment. Caen doit retrouver et assumer son identité normande sans rien oublier de l'Histoire avec une grande hache. Le grand chantier du tramway qui doit s'achever dans le courant de l'année 2019 doit être l'occasion de modifier l'image de la ville et de récupérer la qualité urbaine des espaces publics caennais qui a été gravement amputée par les bombes de1944 et par les partis pris idéologiques de la Reconstruction des années 1950.
L'un des enjeux est de créer un nouvel espace public central au coeur même de Caen, à savoir, l'esplanade et jardin public du château avec, comme repères essentiels:
- Les remparts et tours du château qui vont être mis en lumière et qui pourraient recevoir temporairement un spectacle de mapping sur l'histoire de la Normandie pendant la saison estivale.
- Le clocher de l'église Saint-Pierre, entièrement restauré et lui aussi mis en lumière de façon variable pour qu'il devienne le phare vibrant aux émotions collectives caennaises, normandes ou nationales: nous avons suggéréà la ville de Caen de placer un carillon automatique en plus des trois cloches actuelles dans le beffroi pour que le clocher Saint-Pierre puisse proposer une signature sonore et féérique qui pourrait être très attractive...
- La plantation d'arbres de haut-jet d'essences nobles (hêtres, pins...) ainsi que la création d'un verger de pommiers pour valoriser l'identité normande de la ville avec possibilité de croquer une pomme en libre service avant de profiter de la pelouse...
- Et enfin: un élément totalement nouveau dont on vous reparlera très prochainement... C'est promis!
EN IMAGES. Le château de Caen changera de visage en 2020 : nouveaux arbres et lumières
Des travaux d'aménagement autour du château de Caen (Calvados) ont été présentés lundi 5 novembre 2018 en conseil municipal, pour lui donner un nouveau visage de jour et de nuit.
Présenté en mars 2017, le schéma directeur du château de Caen (Calvados) présentait à l’époque neuf opérations pour mettre en valeur cet élément essentiel du patrimoine local. Des opérations prévues pour être réalisées entre 2019 et 2035. La première phase, pour un montant de près de 2,5 millions d’euros, a été dévoilée en conseil municipal, lundi 5 novembre 2018 par les élus. Elle porte essentiellement sur la mise en lumière des remparts et sur des aménagements paysagers, toujours en extérieur.
Des pelouses… et des herbes hautes
« L’idée c’est de créer une nouvelle histoire avec ce château », a lancé Emmanuelle Dormoy, maire adjointe en charge des monuments historiques. Pour cette présentation, elle était accompagnée du paysagiste et de l’architecte urbain qui ont planché sur le projet. « Notre objectif, avec la plantation d’une centaine d’arbres, est d’y installer les conditions d’une promenade, a ainsi expliqué Thierry Jourd’heuil qui veut favoriser la balade :
L’occasion nous est donnée de ralentir la circulation, avec des espaces à dédier aux piétons pour qu’ils puissent notamment relier plus facilement le quartier du Vaugueux au centre-ville.
Le paysagiste entend y planter des herbes hautes, mais aussi des pelouses pour qu’il soit facile de s’y assoir ou s’y allonger aux beaux jours.
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Des lumières respectueuses de la biodiversité
Côté lumières, les chargés de projet ont voulu un aménagement en cohérence avec l’environnement. « De nombreuses espèces peuplent les alentours du château et il nous faut respecter la biodiversité », explique Luc Peirolo, architecte. Il a ainsi décidé de miser sur une lumière bleue plus cohérente avec la nuit. Il annonce des éclairages obliques qui ne dépasseront pas la hauteur des remparts pour permettre aux passants de mieux apprécier le ciel étoilé. « L’éclairage oblique aura aussi pour intérêt de mieux révéler la texture du rempart. »
Les travaux doivent commencer en juin 2019, pour une livraison attendue à la fin de la même année.
Voir aussi le communiqué de presse daté du 8 mars 2017 mis en ligne sur le site internet de la Ville de Caen:
AccueilCommuniqués de presseSchéma directeur : le Château de Caen poursuit sa transformation
Schéma directeur : le Château de Caen poursuit sa transformation
La phase 2 du Schéma directeur, qui consiste en l'élaboration d'une programmation ambitieuse et globale pour le site et ses abords, sera présentée en conseil municipal le lundi 13 mars.
Ce programme répond à la volonté de Joël Bruneau, maire de Caen, de replacer ce site historique majeur au coeur de la politique patrimoniale et touristique de la Ville. Il s'agira de conserver le patrimoine architectural de l'édifice et sa dimension historique, tout en permettant à ses différents publics de se le réapproprier (visiteurs des musées, promeneurs, étudiants...). Le développement des activités touristiques et culturelles ainsi que l'aménagement paysager du lieu sont également des enjeux essentiels.
Les besoins, objectifs et contraintes du projet global d'aménagement ont été définis en prenant en compte l'ensemble des données techniques, réglementaires, patrimoniales, culturelles, archéologiques, environnementales et urbanistiques. Trois axes majeurs ont ainsi été définis :
- La conservation et la pérennisation du patrimoine
- La réappropriation du site par les Caennaises et les Caennais
- L'attractivité touristique et culturelle du Château
Ces grandes orientations du Schéma directeur engendreront les différentes phases opérationnelles jusqu'en 2037. Dans un souci de cohérence globale, une priorité est donnée aux travaux liés aux opérations d'aménagement du centre-ville (tramway et place Saint-Pierre).
Ainsi, la première opération consistera en l'aménagement des espaces paysagers de la rue de Geôle et de la « butte Saint-Pierre », en lien avec les travaux du tramway. La mise en lumière des remparts, de la Tour Puchot à la Tour Mathilde, est également programmée.
Le coût de cette opération est estiméà 2 450 000 € TTC. Le début des travaux est prévu pour l'été 2019.
Une deuxième opération est prévue à l'horizon 2026. Elle devrait porter sur l'aménagement intérieur du Château (allée des musées, cheminement piéton de l'Université au centre-ville...) et la mise en valeur des « trésors cachés » du site. Le tour de garde fera également l'objet d'un travail de restauration et de valorisation. Cette opération sera confiée à un Architecte en Chef des Monuments Historiques (ACMH), en lien avec une équipe pluridisciplinaire.
http://caen.fr/sites/default/files/communique-presse/17/03/powerpointschemadirecteurportrait.pdf
Commentaire de Florestan:
Les paysagistes engagés dans cette réflexion de concevoir un nouveau parc public arboré et de promenade au pied des remparts du château de Caen cherchaient en novembre dernier un nom ou une symbolique pour ce nouvel espace central... Nous nous permettrons d'avoir notre idée très précise sur ce sujet!
On ne peut vous en dire plus pour le moment...
Patience!