Il est temps de passer rapidement à autre chose et de reprendre nos activités normales et normandes...
Pour notre part, nous n'avons pas abandonné notre lucidité, peut-être seulement, avouons-le, le temps d'un match. L'équipe nationale de football est championne du Monde et c'est bien mérité: on a ainsi célébré le mérite dans le travail et le talent formidable de ces jeunes joueurs sortis de leurs clubs associatifs, de leurs quartiers populaires, le travail des éducateurs, des encadrants, des professeurs.
Mais on a aussi noté que les contrats aidés qui permettent à ces éducateurs de travailler ont été supprimés par ce Gouvernement, que les finances des communes, départements et conseils régionaux qui encadrent de leurs politiques publiques cette jeunesse populaire trop souvent en galère sont rabotées par le jacobinisme comptable de ce Gouvernement. On ainsi entendu le coup de gueule, au lendemain de la victoire des "Bleus", de cet élu local de la Seine-Saint-Denis, sur l'état lamentable des finances de sa commune avec l'impossibilité de rénover ou d'aggrandir les équipements sportifs sur son territoire.
On se souvient que Jean-Louis Borloo avait prévenu Macron:"attention, le gratin se détache des nouilles!" Et avant la victoire des Bleus, on savait que personne n'était dupe de cette sornette sur les "premiers de cordée" qui, trop souvent, coupent la corde derrière eux...
Sauf qu'avec cette victoire décuplée dans sa puissance symbolique par une ferveur populaire qu'on ne verra pas de si tôt, la ferveur de ce peuple qu'on ne verra jamais descendre aussi massivement dans les rues de nos villes pour défendre ce qui lui reste de droits collectifs ou "d' acquis sociaux", l'écart, l'abîme entre les images sportives, la fête au soir de la victoire et la réalité sociale et politique du pays devient infini et impossible à franchir...
Par principe, la fête des Bleus ne pouvait que se terminer qu'avec des bleus, au sens médical de la couleur, sinon avec le "blues"à l'âme. Dans un billet récent, nous avions mis en garde: fallait-il vraiment que notre équipe nationale gagne cette coupe du Monde?
Nous avions raison de craindre que la "fête" nationale ne serait pas à la hauteur de l'événement et des efforts de cette belle équipe sportive.
Confirmation que ce pays ne sait plus pourquoi il existe, pourquoi nous vivons ensemble puisque nous sommes incapables de nous réjouir dignement en faisant preuve du respect de soi le plus élémentaire!
Effectivement, la fête fut gâchée par les deux bouts: par le haut et par le bas...
Par le haut à Paris: la foule massée sur les Champs Elysées a été frustrée de ne voir seulement que dix petites secondes les héros du Monde. Pis: massée sur la place de la Concorde devant le Crillon, le peuple supporter attendit quatre heures durant que les héros paraissent au balcon pour le saluer. Mais le peuple supporter vit des cerbères circuler et des rideaux tirés aux fenêtres. En revanche, la fiesta privée de Monsieur Macron organisée à l'Elysée avec 1500 invités a battu son plein: les 23 joueurs de l'équipe nationale s'y trouvaient bien entendu. La chose s'est sue très vite générant la colère d'une partie des supporters et la ferveur s'est transformée en colère sur la place de la Discorde nationale avec contacts rugueux avec les CRS...
Par le bas dans le pays: restons en Normandie où la fête a été gâchée par des comportements inadmissibles, notamment à Caen...
Une habitante a filmé intégralement une odieuse scène de tabassage collectif dans une rue du centre ville de Caen le soir de la victoire: un "bad buzz" comme on dit dans la langue française dégradée d'aujourd'hui dont la ville de Caen se serait bien passée!
Voir, par ailleurs, cet article de Paris-Normandie: la fête n'a pas été très belle chez nous...