Ouest France semble fascinéà son tour par un nouvel artifice de communication: la duplicité paradoxale et oxymorique "macronienne" du "Et en même temps"qu'il ne faut surtout pas confondre avec notre "ptêt ben qu'oui, ptêt ben qu'non" qui est suspension du jugement ou de la décision le temps d'une mûre réflexion...
Le"et en même temps" est un abus de la pensée "dialectique" (pour dire la chose de façon pédante) consistant à neutraliser l'action forcément contradictoire de parties en présence lorsqu'il faut trancher pour prendre une décision tel un souverain: non pas comme Salomon qui, dans son célèbre jugement biblique, laisse prudemment le débat se faire et la véritééclater à la limite du tragique (pour ceux qui auraient oublier: une vraie mère ne voudra jamais voir son enfant tranché en deux) mais comme le Prince qui n'aurait compris de la leçon de Machiavel que l'art d'enfumer les concurrents et les adversaires avec des décisions qui doivent ménager, "et en même temps", la chèvre et le chou: décisions forcément provisoires et imparfaites qui préparent les problèmes de l'avenir sous prétexte de trouver une solution pour le présent.
Pour l'avenir du Mont Saint Michel, dans le cadre de la gouvernance du futur Etablissement Public National, il va falloir sérieusement lutter avec une volonté politique forte pour éviter, vis-à-vis de nos voisins et partenaires bretons (on aimerait pouvoir dire "amis"), que le "Et en même temps"ne soit pas le principe organisateur de la future institution sous prétexte de craindre on ne sait quelle humeur bruyante et médiatique déclenchée par le moindre responsable breton frustré de ne pas avoir ce qu'il convoite.
Par ordre d'importance, voici les trois réalités objectives qui définissent le sujet:
1) C'est un fait incontestable que le Mont Saint Michel, premier monument de l'unité nationale française depuis la Guerre de Cent ans, attire à lui des millions de touristes.
2) C'est un fait incontestable que le Mont Saint Michel est le monument emblématique de l'histoire de la Normandie, le haut lieu de son identité, de son image de marque et de son unité.
3) C'est un fait incontestable que le Mont Saint Michel se trouve dans la partie normande d'une baie dont la majeure partie se trouve en Bretagne.
Conséquence: ceux qui ont leur place dans le point n°3 ont-ils "en même temps" la légitimité de définir et de gouverner ce qui se trouve défini dans les points 1 et 2 ?
La réponse est évidemment négative et on sait déjà qu'ils la contestent. Le rapport de force avec eux sera inévitable parce que les réalités à contrôler aux niveaux 1 et 2 sont stratégiques: les flux financiers apportés par près de 3 millions de visiteurs annuels.
Ne pas oublier que le Mont Saint Michel et son territoire sont un bel et rare exemple objet de géopolitique dont le tourisme est l'enjeu: les élus Normands, notamment ceux de l'Avranchin, ne doivent JAMAIS oublier que leurs collègues Bretons ont toujours cette réalité dans le coin de leur tête.
C'est toujours ainsi et c'est la plus douce des malédictions:
Quand on a la chance de vivre son quotidien dans un site magnifique ou au pied d'un monument extraordinaire, on peut parfois l'oublier car cette douce réalité devient l'évidence même qui s'impose à ceux qui la pratique sans qu'il soit nécessaire de sombrer dans un chauvinisme mesquin agressif et ridicule pour le démontrer: la vie et ses belles expériences suffisent.
Mais face à la convoitise de ceux qui savent précisément la valeur du trésor que nous avons et dont nous jouissons aussi naïvement que les oiseaux marins des grèvesil va falloir, tout simplement, apprendre à nous défendre mais surtout à défendre l'esprit du lieu, son authenticité, sa qualité, sa spiritualité car ceux qui s'intéressent un peu trop au Mont Saint Michel sont surtout... intéressés!
Et au "et en même temps" de la ruse et de la convoitise choisissons aussi fermement que le rocher du Mont l'évidence d'un: "chacun à sa place!"
"Et en même temps" pratiqué par Ouest-France et appliqué au sujet sensible du Mont Saint Michel pour ne mécontenter ni les Normands, ni les Bretons...
1) Le quotidien ligéro-breton nous annonce tout fiérot que le grand paysagiste normand Samuel Craquelin a été choisi pour dessiner le futur jardin du cloître de l'abbaye du Mont Saint Michel.
Choix excellent! Parce que, bien entendu, ce créateur assume qu'il est Normand et que sa société s'y trouve établie (à Lillebonne). Mais aussi et surtout parce qu'il est talentueux: on lui doit, par exemple, la superbe création des "jardins suspendus" dans un ancien fort sur la côte du Havre:
Pour découvrir le travail de Samuel Craquelin:
http://fr.calameo.com/read/00437272448372585a875
Bien entendu, "et en même temps", Ouest-France ne se prive pas de nous informer de ce qui suit:
2) Le maire du Mont Saint Michel vient d'accepter la requête de l'aéroport breton de Pleurtuit-Dinard qui veut changer de nom pour devenir celui du Mont Saint Michel: il aura, désormais, le droit d'utiliser le logo de la commune dominée par la Merveille normande...
Est-ce judicieux de vendre son droit d'aînesse normand pour un plat de lentilles bretonnes?
Poser la question c'est y répondre. Si l'aéroport de Dinard-Pleurtuit souhaite devenir réellement celui du Mont Saint Michel, il faut exiger l'entrée de la région Normandie et de la communauté d'agglomération du Pays du Mont St Michel (Avranchin) dans le conseil d'administration de cet aéroport... breton!
Le but est d'améliorer l'accessibilité au Mont St Michel pour que les flux puissent être ceux d'une destination touristique à part entière sur le Mont et son pays historique: l'Avranchin pays normand (avec le Scriptoral d'Avranches qui est le véritable musée du Mt St Michel) n'est pas une île mais fait partie prenante d'un littoral exceptionnel par sa beauté et sa qualité: la baie que nous partageons avec nos voisins Bretons.
Mais qui dit partage, dit réciprocité et cogestion véritable:
C'est une bonne chose que l'aéroport de Pleurtuit envisage d'être celui du Mont St Michel. Mais il faudrait simplement partager le pilotage: les collectivités normandes n'ont jamais claqué la porte du syndicat mixte du rétablissement du caractère maritime du Mont devant la Bretagne mais avec nos voisins Bretons, l'expérience nous enseigne qu'il faut être toujours lucides et vigilants... On a trop vu dans le passé et encore récemment que cette vigilance était justifiée... Il faut, hélas, un rapport de force.