Depuis le 1er janvier 2016, nous avons enfin l'avantage de bénéficier de la présence et de l'action d'une collectivité territoriale régionale unique couvrant l'ensemble du territoire normand dont le cadre correspond à une géo-histoire millénaire et prestigieuse, en France, en Europe et dans le Monde mais pas forcément en Normandie même puisque l'habitude de penser et d'agir au sein d'un cadre administratif et politique normand unique a été perdue ces soixante dernières années au profit d'un localisme de clocher communal, départemental voire de pays, ces fameux pays de terroir, parfois plus anciens que la Normandie elle-même.
Pendant toutes ces années (de 1956 à 2016) l'intérêt général normand n'existait pas dans l'ordre institutionnel ou politique: cet intérêt général était confondu avec celui de l'Etat central parisien en raison de la présence en Normandie d'intérêts économiques et stratégiques d'importance nationale (l'approvisionnement énergétique, commercial de la région parisienne, le poids de la filière nucléaire dans la région). On connaît le bilan, sinon le passif de cette Normandie nationalisée, divisée en deux, éparpillée façon puzzle dans un localisme de clochemerle souvent stérile: la Normandie, autrefois si brillante et si innovante par son économie (industrie, commerce maritime et agriculture) est devenue un angle-mort qui a raté, à partir des années 1980, le virage de la métropolisation régionale attirant la matière grise déconcentrée depuis la région parisienne: Caen a joué cette carte mais pas suffisamment au point de s'imposer face à Rennes la bretonne (on ne dira jamais assez que c'est bien Rennes ou Nantes qui menacent Caen et pas Rouen qui a été ravalée au statut de quasi ville de banlieue à moins de deux heures de Paris).
Avec le retour à l'unité normande l'enjeu géo-politique est donc double:
1) Faire exister, à nouveau, l'intérêt général normand et le porter politiquement: c'est le rôle du nouveau conseil régional de Normandie et Hervé Morin, premier président de la Normandie, s'acquitte plutôt bien de cette tâche politiquement gratifiante...
2) Créer un collectif normand des grandes collectivités de la nouvelle région:hélas, sur ce second point, le bilan, depuis deux ans n'est pas bon.
Pour le dire clairement: Hervé Morin et la région Normandie occupent seuls le créneau de l'intérêt général normand sans que les autres grandes collectivités qui devraient aussi s'en préoccuper n'y prêtent plus attention.
Il y a bien un leader normand: c'est Hervé MORIN avec des équipes dynamiques et très mobilisées autour de lui car la prise de conscience que la Normandie c'est bien plus que du "Meccano" institutionnel...
Mais à cette tête régionale il manque un corps, qui demeure encore anesthésié par le localisme: Hervé Morin a des qualités mais aussi des défauts. Mais si le président de région peut parfois commettre quelques maladresses, on ne saurait lui imputer l'inertie, irresponsable, des maires et présidents des agglomérations de Caen, Rouen ou Le Havre qui se montrent toujours INCAPABLES de coopérer ensemble pour faire valoir au niveau national et européen les magnifiques atours de la belle "Carole" normande(CAROLE pour CAen, ROuen et LE havre)... Caen qui va causer normand toute seule le 30 novembre 2017 préfère coopérer économiquement avec les belges de Mons tandis qu'à Rouen on se tire dans les pattes d'une rive à l'autre... Quant au Havre, la ville et le port sont devenus une annexe de l'hôtel de Matignon. Enfin, les réflexes ataviques du vieux clochemerle Caen vs Rouen ou Rouen vs Le Havre ne sont pas encore résorbés.
Du côté des cinq départements normands, on a cru pouvoir faire confiance à un G5 voire à un G6 normand (les cinq départements + la région) pour animer des coopérations et des contratualisations de projets et de finances concrètes au delà des annonces officielles. Malheureusement, les tensions politiques institutionnelles ou nationales l'ont emporté sur la défense et la promotion collective d'un intérêt général normand: les départements craignent pour leur avenir face à l'affirmation du fait régional (surtout en Normandie), du fait métropolitain (Rouen) ou face à la recentralisation rampante néo-jacobine macronienne sans parler des conséquences normandes de l'éparpillement politique de la droite française après le dégagisme macronien.
Edouard Philippe est plus que tenté de créer, comme jadis un certain Fabius, un réseau politique sur une base territoriale qui risque d'impacter la Normandie elle-même. La vallée de la Seine, étirée de la porte Océane havraise au pont de Puteaux ne saurait constituer une autonomie politique. Hervé Morin, l'a parfaitement compris: c'est une question de vie ou de mort pour l'affirmation d'un projet politique normand. Enfin du côté de Rouen, celui qui pense être définitivement le maître es céans pense que la métropole devrai s'affirmer aux dépens du conseil départemental de la Seine Maritime.
A la lumière des réflexions ci-dessus, on vous donnera à lire l'enquête journalistique suivant parue récemment chez nos confrères de Filfax qui se sont donnés comme objectif de réveiller le ronron médiatique normand avec des enquêtes et des informations devant faire le "beuze" comme on dit dans le français d'aujourd'hui... Pourquoi pas.
Mais faire le "beuze" pour faire le "beuze" comme la mouche qui bourdonne au dessus de la bouze n'est pas ici notre objectif: s'il y a du "beuze" parfois sur l'Etoile de Normandie ce que nous faisons d'abord et toujours: "meuh"! Car la bouze procède de la vache (et non l'inverse...)
![Une-seule-Normandie]()
Esprit du G6 normand, es-tu (encore) là ?
L'esprit de concorde entre Départements normands et Région Normandie, mis en scène au début du mandat d'Hervé Morin, semble avoir vécu. A tel point que les réunions organisées pour consacrer cette supposée bonne entente n'ont plus lieu depuis de longs mois. Révélations.
Les six présidents à l'unisson lors de la première réunion du G6 normand à Rouen. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts... © Alan Aubry - Département de la Seine-Maritime.Quand l’hypercommunication revient, tel un boomerang, en pleine figure… Où l’on parle du G6 normand, réunion informelle des cinq présidents de Départements normands ainsi que du patron de la Région.
Lancé en grande pompe médiatique, au début de l’année 2016 à la faveur de l’accession d’Hervé Morin aux manettes de la Normandie, l’instance devait permettre, selon le communiqué de presse inaugural, « d’engager sans délais une stratégie de développement coordonnée et des partenariats « gagnant-gagnant » entre la Région et les Départements afin de renforcer l’efficacité des politiques publiques locales ainsi que leur lisibilité ». A peine deux ans plus tard, il semble que cette belle unité se soit évaporée dans les limbes du bocage normand. Le fameux G6 normand ne s’est plus réuni depuis mars dernier. Alors que, précédemment, les rencontres se déroulaient en moyenne tous les quatre mois. Pourquoi cette disparition ?
« Si la fréquence des G6 présidentiels a baissé, c’est tout simplement parce depuis plus de deux ans beaucoup de sujets ont été mis sur la table et qu’on est désormais entré dans une phase plus opérationnelle », justifie par email Pascal Lehongre, président LR du Département de l’Eure. « Il a été décidé collectivement de prendre un peu plus de temps afin de laisser les nouveaux présidents s’installer dans leurs nouvelles fonctions », glisse-t-on par ailleurs au cabinet du président de la Région citant la très récente désignation de Marc Lefèvre (DVD) à la tête du Département de la Manche, en lieu et place de Philippe Bas (LR). Des explications pas tout a fait concordantes et qui, à la lumière des éléments apportés par Filfax, apparaissent, sinon erronées, tout du moins parcellaires…
« Ça se bagarre beaucoup en ce moment »
Selon nos informations, les relations se sont sacrément refroidies dernièrement entre toutes ces huiles politiques locales. D’après une source bien renseignée dans l’entourage de la majorité régionale, « ça se bagarre beaucoup en ce moment ». En particulier « autour des compétences partagées et des budgets correspondants ». « Il y a des sujets de discussion », reconnaît-on à la Région usant de l’euphémisme à merveille. Les départements apprennent également à vivre avec des Région stratèges, très présentes sur le terrain. Certains le ressentent, à tort, comme une forme de concurrence. »
D’où, peut-être, quelques crispations. Et la disparition du G6 des radars. Selon un élu socialiste de l’opposition, « les Départements ne supportent pas le caporalisme de la Région, en particulier dans le domaine économique. Hervé Morin essaie en ce moment de substituer à un jacobinisme national un jacobinisme régional. »
Pas plus tard qu’hier, le président de la Normandie annonçait ses ambitions en matière portuaires. En résumé, regrouper dans un seul et même établissement public, piloté par la Région, l’ensemble des ports Normands. Dont plusieurs aujourd’hui demeurent dans l’escarcelle des Départements normands. Nul doute que cette sortie n’a pas dû plaire aux présidents normands qui ne cessent, à l’inverse, de marteler l’utilité de l’échelon départemental au sein du mille-feuille territorial français. De toute évidence, Hervé Morin ne défend pas cette thèse. En 2008, dans une interview àLa Tribune, il déclarait ainsi soutenir l’initiative « de fondre les régions et les départements dans une seule et même collectivité ».
Si Alain Lambert, l’ex-président UDI de l’Orne reconnaît qu’au moment de son élection, l’ex-ministre de la Défense affichait plutôt l’ambition de construire « un modèle fédéral normand avec un pacte d’égalité entre départements et région », Hervé Morin aurait très vite changé de pied selon lui. « Dès les premiers mois de son mandat, il ne cessait de répéter à ses interlocuteurs, notamment les patrons d’intercommunalités, que nous ne servions à rien », rapporte le désormais vice-président au Département de l’Orne. De quoi tendre sérieusement les relations…
« Ils ne pensent que du mal d’Hervé Morin »
Au fil du temps, les griefs se sont accumulés. « Il n’y a pas un seul sujet où Départements et Région sont d’accord », assène aujourd’hui l’ancien sénateur. Filfax a tenté de joindre un à un les patrons de Département normands. Hormis Pascal Lehongre – qui soutient « que les départements normands ne rencontrent aucune difficulté dans leur relation avec la Région »– aucun d’entre eux n’a donné suite. « Ils ont une expression plus discrète que chez nous dans l’Orne mais ils ne pensent que du mal d’Hervé Morin », rapporte Alain Lambert qui s’est déjà écharpé par voie de presse avec le président de la Région mais qui dément toute « acrimonie personnelle » à son égard. « Alain Lambert est dans la rancoeur personnelle, ses propos n’engagent que lui, rétorque le cabinet d’Hervé Morin. La vérité c’est que sur 90 % des dossiers, Région et Départements sont d’accord. »
Fini le G6, le G5 retrouve des couleurs. Ici, sa dernière réunion en septembre au château de Clères en Seine-Maritime. (photo Alan Aubry – Département de la Seine-Maritime)Reste les 10 %… Et sur ces sujets, visiblement, les crispations se multiplient. Surtout face à de forts caractères comme, par exemple, celui de Jean-Léonce Dupont, le patron UDI du Calvados. L’ancien questeur qui a récemment choisi de quitter les ors du Sénat pour se consacrer au local goûte assez peu les velléités hégémoniques de la Région. Avec le président Morin, les relations se sont distendues autour d’un dossier, en l’occurence celui de la SHEMA, une société d’économie mixte dédiée à l’aménagement et au développement économique. « En vertu de son rôle de chef de file en la matière, le conseil régional souhaite en devenir actionnaire majoritaire mais le Département ne veut pas laisser la place », glisse un élu du Calvados issu des rangs de de la majorité de droite. A tel point que la collectivité régionale envisage de créer une nouvelle société, en tous points identiques à la SHEMA, pour mener à bien les aménagements autour de l’axe Seine.
Et notre interlocuteur d’évoquer un Hervé Morin « très agacé » par la position de son camarade de parti. Qui de son côté n’est pas en reste. Jean-Léonce Dupont vient de se fendre d’un tweet fort en sous-entendu à l’occasion de l’élection de l’ancien ministre de la Défense à la présidence de l’association des Régions de France : « Félicitations à Hervé Morin, il a désormais aussi un devoir d’exemplarité dans les relations avec les départements. » Limpide comme de l’eau de roche pour qui sait décrypter les circonvolutions du langage politique… Selon nos informations, les deux hommes devaient dîner ensemble hier soir pour tenter d’arrondir les angles.
Des considérations de politique nationale
Si cela coince dans le Calvados, il en va de même dans l’Eure. Cette fois, il est question du contournement Est de Rouen. La collectivité, aujourd’hui dirigée par Pascal Lehongre (LR) mais toujours sous l’influence directe de Sébastien Lecornu, s’est retirée du tour de table financier organisée pour soutenir le projet. Et Hervé Morin a peu goûté l’initiative, c’est lui qui a dû allonger la monnaie pour compenser le vide laissé par le conseil départemental. « Ça ne lui a pas fait plaisir », souffle une source proche du dossier.
Interrogé sur ce retrait en septembre, Sébastien Lecornu, désormais secrétaire d’Etat à la Transition écologique, disait cela :« Que la Région se concentre sur les grands projets, c’est pour cela que le législateur l’a inventée. C’est ce qui fait sa légitimité. Et nous, nous nous occupons du réseau secondaire, des aménagements de sécurité, en ville et à la campagne. Chacun son travail et ça se passera bien ! » Si l’attaque n’était pas frontale, on sentait tout de même une légère pointe d’irritation.
Outre ce dossier d’infrastructure, il y a, sans doute, aussi des considérations de politique nationale qui permettent d’expliquer les tensions du moment. Historiquement proches – ils ont mené ensemble la reconquête politique de l’Eure – Hervé Morin, Bruno Le Maire et Sébastien Lecornu, ont depuis emprunté des chemins différents. Le premier n’a pas de mots assez dur pour critiquer les agissements d’Emmanuel Macron. Quand les deux autres sont désormais ministres de notre Jupiter national…
« Décision de ne plus inviter Hervé Morin »
Avec la Seine-Maritime, les choses ne sont pas plus simples. Alors que Pascal Martin, son président, appartient, lui-aussi, à la même formation que le chef de la Région. « Il y a des divergences sur certaines politiques publiques », affirme-t-on dans les rangs de l’opposition socialiste au Département de Seine-Maritime. Et de pointer le récent abandon, « sans concertation », du soutien régional au fonctionnement de la base de loisirs de Jumièges. Ou encore le lourd dossier du Transmanche, sur lequel le candidat Morin s’était engagéà apporter un concours financier qui, pour le moment, ne s’est toujours pas matérialisé.
Hormis ce point dur, il y a un autre sujet purement politique qui pourrait créer quelques dissensions entre les deux élus centristes. « Pascal Martin n’apprécie pas la bonne entente entre Hervé Morin et Frédéric Sanchez, le président de la Métropole de Rouen », soutient Alain Lambert. D’autant que cela intervient au moment même où le socialiste rouennais lorgne sur les compétences départementales, affaiblissant par la même une collectivité en grande difficulté financière.
Pour cette raison et celles évoquées plus haut, « décision a été prise, à l’unanimité des présidents, de ne plus inviter Hervé Morin aux réunions », affirme Alain Lambert. Le G6 repasserait donc en mode G5. Comme c’était le cas avant la victoire du centriste aux régionales. Selon Alain Lambert, il n’y aura plus de G6. « Tout cela est fini », lance-t-il. « C’est faux », s’exclame-t-on au cabinet du président de Région, glissant qu’une nouvelle réunion est prévue « en janvier 2018 en Seine-Maritime ».
En attendant, c’est le G5 qui se trouvera sous les feux de la rampe d’ici quelques jours. Les cinq présidents de Départements doivent en effet se retrouver le 4 décembre prochain à Alençon. Et l’ancien ministre du Budget de Jacques Chirac de s’épancher sur ce qu’il croit savoir de leurs intentions : « Ils attendent la fin du mandat et nous mettrons tout en oeuvre pour faire battre Hervé Morin. » « Quitte à voter pour les socialistes », poursuit Alain Lambert qui se dit prêt « à figurer, en position non éligible, sur une prochaine liste de gauche ».
Diantre ! Faut-il que le contentieux soit sérieux pour envisager de rejoindre « l’ennemi ». Dès à présent, l’ancien sénateur de l’Orne met en garde Hervé Morin : « Sa majorité est étriquée, si chacun des présidents de Départements faisait en sorte qu’un conseiller régional issu de son territoire ne votent pas avec lui, Hervé Morin serait mis en minorité… » A bon entendeur…