La Normandie est une terre de haute tradition littéraire: la proximité avec Paris n'explique pas tout.
Depuis le XVIe siècle avec la présence à Caen de la seule universitéà l'Ouest de Paris mais aussi avec les effets des échanges commerciaux internationaux dans une région portuaire largement ouverte sur le Monde et peut être surtout, la précocité de l'alphabétisation et sa profondeur dans la population normande pour des questions religieuses (la concurrence entre protestantisme et catholicisme), la Normandie était déjà devenue une terre d'édition, de librairies et d'érudition notamment juridique et historique en raison du prestigieux patrimoine normand: à Paris, un libraire ou un bouquiniste est forcément un Normand tout comme un ramoneur est Savoyard ou une cantine est auvergnate...
Au XIXe siècle, le retour d'une certaine prospérité normande liée à la paix définitive avec l'Angleterre, la nouvelle vogue des bains de mer sur la côte normande et l'arrivée du chemin de fer qui renforce le lien avec Paris font que la Normandie devient LA région littéraire française dans le prolongement immédiat de la capitale.
Cette rente de situation s'est maintenue jusqu'en 1944 pour se réduire à l'essentiel hélas aujourd'hui: Deauville et ses environs immédiats qualifiés par les Normands de "XXIème arrondissement de Paris".
A l'exception notable, il est vrai, du fameux colloque dit de "Cerisy" organisé chaque été par le centre international de rencontres culturelles du château de Cerisy La Salle (Manche) depuis 1952:
http://www.ccic-cerisy.asso.fr/colloques3.html
Néanmoins, depuis une vingtaine d'années,pour éviter que la Normandie ne soit qu'une banlieue littéraire de Paris fréquentée que le week-end sur la côte Fleurie du Pays d'Auge ou qu'une aire de service technique nécessaire au fonctionnement de la place éditoriale parisienne (de nombreuses entreprises normandes impriment les productions des éditions parisiennes ou fabricaient il y a encore peu le papier nécessaire aux grands journaux parisiens), se sont, peu à peu, mis en place depuis Caen, quelques jalons utiles et importants d'une véritable décentralisation normande des activités intellectuelles et de conception liées à la littérature, aux sciences humaines et à l'édition:
1) L'installation en 1995 de l'Institut pour la mémoire de l'édition contemporaine (IMEC) dans une abbaye normande dans la banlieue de Caen
2) La création en ex Basse-Normandie d'un centre régional des lettres particulièrement actif pour soutenir éditeurs normands et réseau régional de librairie: son rôle vient d'être étendu à toute la Normandie à l'occasion de la réunification car son équivalent ex haut-normand était moins ambitieux... C'est ainsi que Caen est la ville qui dispose du plus grand nombre de librairies par rapport au nombre d'habitants en France.
3) La mise en place d'une maison de la recherche en sciences humaines à l'université de Caen parmi l'une des plus importantes de France
4) La création en 2002 d'une université populaire établie à Caen à l'initiative du philosophe Michel Onfray qui a décidé de rester à Caen pour démontrer qu'il est possible de mener une activité intellectuelle importante en... province !
5) La création, depuis quelques dizaines d'années, de grands événements festifs et de rencontres intellectuelles ou artistiques autour de la littérature avec le salon du livre de Caen, le festival "les Boréales" (à l'automne à Caen) et le festival "Terres de Paroles" (au printemps en Seine-Maritime).
La réunification normande et la prise de relais de la nouvelle région Normandie devrait renforcer et développer cette armature pour que Caen, Rouen et Le Havre ainsi que d'autres villes normandes soient des places fortes de l'édition, de la librairie et de la production d'idées sur l'art d'écrire alors que la révolution numérique bouscule le modèle culturel et économique du Livre.
L'idée serait de renforcer les grands événements littéraires qui font déjà rayonner la Normandie en France et à l'étranger (on pensera au festival des Boréales qui a fait de Caen, la porte d'entrée de la littérature scandinave en France) ou de créer le grand événement plus large et plus "grand public" qui permettrait de faire rayonner la Normandie des livres car cet événement n'existe pas: la formule du "salon du livre" dans telle ou telle ville s'essouffle (le Salon du Livre de Paris s'essouffle lui aussi).
En revanche, le festival "Etonnants voyageurs de Saint Malo" crée par l'écrivain Michel Le bris est un vrai succès car il ne s'agit pas seulement de se bousculer sous une tente avec des auteurs assis en rang d'oignon derrière des tables encombrées par des montagnes de livres et qui s'ennuient à gribouiller des autographes. Il y a aussi des conférences, des expositions, des performances, des concerts mais surtout des... lectures faites soit par des comédiens soit par les auteurs eux-mêmes.
L'Etoile de Normandie propose la création du mai du Livre en Normandie: un festival du Livre et de la lecture aux mêmes dates à Caen, Rouen et Le Havre sur tout le mois de mai en donnant la priorité aux lectures d'oeuvres dans des salles, dans des monuments historiques, dans la rue...
Et pour tout dire, la matière et les idées pour une telle manifestation existent déjà en Normandie notamment avec le festival "Terres de Paroles" qui a lieu en avril dans toute la Seine Maritime:
Pourquoi ne pas généraliser ce magnifique moment de partage collectif et littéraire autour des auteurs et de leurs livres réellement à toute la Normandie?
La Normandie est une terre de littérature et d'écrivains qui ont aimé y résider pour trouver les précieuses ressources à leur travail de méditation et d'écriture... Un livre fort utile vient de paraître et qui nous propose un tour assez complet des maisons et résidences d'écrivains en Normandie.
Lire l'article suivant proposé par Normandie actu:
Livre. Les maisons et jardins des écrivains normands par Jérôme Marcadé et Benoit Delplanque
Jérôme Marcédé et Benoit Delplanque présentent les lieux d’inspiration, maisons et jardins des écrivains normands, aux éditions des Falaises, à Rouen (Seine-Maritime).

L’auteur Jérôme Marcadé et le photographe Benoît Delplanque sortent leur premier ouvrage intituléNormandie, Lieux d’inspiration, maisons et jardins d’écrivains, aux éditions des Falaises, basées àRouen (Seine-Maritime). Un volume retraçant une sélection de lieux phares liés à différents écrivains ayant eu un lien fort avec la Normandie. Rencontre avec son auteur Jérôme Marcadé.
Cet ouvrage regroupe cinq siècles d’auteurs (du XVIe au XXe siècle). Comment avez-vous déterminé cette période précise ?
Jérôme Marcadé : En fait, l’idée était de redécouvrir un peu tous les siècles, même s’il faut bien reconnaître qu’il y a un siècle qui est plus particulièrement représenté, c’est le XIXe. Ce qui n’est pas en soi surprenant. C’était un siècle riche en écrivains et la Normandie n’y a pas échappé. Mais il est vrai qu’on tenait à ce que tous les siècles et tous les styles soient représentés.
Après, nous avions aussi une contrainte, c’était de choisir des auteurs dont les lieux de mémoires soient visibles en toute accessibilité pour tous, et surtout qu’ils aient conservés un peu l’âme de l’écrivain. Certains lieux, par exemple comme celui se rapportant à Françoise Sagan, ne pouvaient pas être retenus car il n’étaient pas accessibles.
En ressortir de l’oubli
Comment votre ligne directrice de départ a-t-elle évolué dans la conception même de cet ouvrage ?
L’idée et le principe de départ, c’était de retenir un lieu par écrivain, même si certains écrivains ont vécu dans plusieurs lieux comme Pierre Corneille qui avait sa maison de ville pas très loin d’ici et sa maison des champs à Petit-Couronne. Gustave Flaubert se partageait entre Paris et Croisset. Nous avons fait juste une petite exception pour Guy de Maupassant parce qu’on ne pouvait parler de son lieu de naissance. Nous nous sommes plutôt focalisés sur sa maison : La Guillette, à Etretat, la maison qu’il avait construit et qui symbolisait l’amour de sa terre normande.
Il y a bien évidement des auteurs incontournables mais il y a aussi certains auteurs qui ont connu un moment de gloire à l’époque et qui sont tombés dans l’oubli aujourd’hui. C’était l’occasion de les redécouvrir comme André Maurois ou Roger Martin Du Gard qui a tout de même donné un prix Nobel à la Normandie.

Leur rapport avec la Normandie
Est-ce que c’était aussi une manière de réhabiliter ces auteurs dans l’esprit collectif des lecteurs ?
Nous n’avons pas cette ambition de « réhabiliter » mais, à travers ces lieux qui sont très souvent magnifiques, qu’ils soient de taille modeste ou d’ampleur, de mettre en avant ces écrivains à travers, notamment ce rapport qu’ils entretenaient avec la nature et avec leur Normandie.
Combien de temps prend la réalisation d’un énorme projet comme celui-ci ?
C’est un an de travail, depuis l’élaboration de la liste d’écrivains, puis le travail d’écriture et surtout le travail de photographie. Après avoir écrit, il faut aller dans ces différents lieux qui recouvrent toute la Normandie et on ne peut pas le faire à toutes les saisons.
Quel sera votre prochain projet ?
Si tout se passe bien, normalement ce sera l’élaboration d’un ouvrage sur les artistes de Normandie, plus précisément les peintres de Normandie.
De notre correspondant Guillaume Bataille
Infos pratiques :
Lieux d’inspiration, maison et jardins d’écrivains en Normandie, de Jérôme Marcadé et Benoît Delplanque, aux éditions des Falaises.
Prix : 29 euros.