C'est la surprise générale: les médias dominants et les sondages se sont trompés comme d'habitude. Avouons que, nous-mêmes, nous nous sommes trompés sur le pronostic final.
Surprise électorale totale donc au bout d'une nuit américaine historique mais qui peut s'expliquer par des réalités politiques et idéologiques guère surprenantes:Marine Le Pen et Vladimir Poutine n'ont pas tardéà saluer le 45ème président des Etats Unisqui, contrairement à un François Hollande, est capable de faire dévisser la bourse et faire trembler "l'établissement" avec un "Brexit" américain puissance 10.
Donald Trump est donc la preuve que le populisme électoral peut monter jusqu'au sommet. Pour reprendre la formule malheureuse d'Hillary Clinton, il a brisé le "plafond de verre".Que cette colère des peuples contre une mondialisation néo-libérale destructrice des sociétés, des identités avec le triomphe d'un capitalisme financier sans patrie associéà un multi-culturalisme béat qu'une gauche post-moderne, post-sociale avait mis en avant pour se passer d'un vrai peuple en souffrance sociale qui ne vote plus pour elle, peut s'emparer du pays le plus puissant du monde.
Trump voulant remplacer "le mondialisme par l'américanisme" annonce clairement la couleur: le protectionnisme imposéà une élite voulant ignorer ce qu'elle n'aime pas, à savoir le plancher des vaches et ceux et celles qui y vivent.
Le problème c'est que cette colère sociale profonde s'est choisie un vecteur profondément paradoxal: un promoteur immobilier milliardaire aux méthodes douteuses, héros de télé-réalité, qui veut baisser les impôts des plus riches et supprimer l'Obama care, cette préfiguration timide d'une protection médicale gratuite pour les plus faibles.
La société civile américaine est profondément divisée entre une petite majorité et une grosse minorité.
Et c'est là que notre analyste politique préféré qui ne sera pas invité sur le plateau de BFMTV, à savoir le Normand Alexis de TOCQUEVILLE, prend toute sa valeur et toute son autorité: dans son célèbre livre"la Démocratie en Amérique", Alexis de Tocqueville expliquait les mécanismes sociaux, idéologiques et anthropologiques qui, dans une nation individualiste et démocratique, peuvent conduire à la dictature si ce n'est à une sorte de totalitarisme.
Les démocrates américains, analyse avec lucidité le Normand Tocqueville, ont la passion de la comparaison mutuelle, des classements, des jugements entre les mauvais et les meilleurs car en démocratie libre, les individus libres veulent se ressembler pour se rassembler. Et dans ce peuple américain, nous dit Tocqueville qui a visité longuement les Etats-Unis, on n'aime pas les élites lointaines trop intellectuelles donneuses de leçons ou pouvant concentrer les pouvoirs comme ces vieilles aristocraties européennes que ces aventuriers libres voire libertaires pour ne pas dire libertariens, détestent avec fierté.
C'est l'âme de ce pays américain que Tocqueville a su voir avec toutes ses conséquences y compris négatives quand au nom de la liberté individuelle (défendue y compris avec des armes à feu) la démocratie américaine peut devenir un chemin de servitude.
Drôle d'attelage...
A noter, enfin, très symboliquement vers 9h36 sur le direct "live" de BFMTV, au cours d'un micro-trottoir nocturne dans une rue de New York, devant la "Trump tower", la journaliste de BFMTV se fait piéger par un jeune franco-américain militant pro Trump revendiquant ses origines "bretonnes" par sa mère et affirmant sa "fierté américaine" et sa "tristesse pour l'Europe" confrontée à une"invasion de migrants"dont les valeurs remettent en cause celles de "l'Ouest". Car l'Amérique de Trump ne fera pas comme l'Europe et ce jeune coiffé d'une casquette de rappeur de lâcher un bruyant "vive la Bretagne" (en citant à l'antenne toutes les villes bretonnes importantes de Rennes à Brest jusqu'à... Nantes) avant de finir par un provoquant... "Vive Breizh Libre" associéà un "Free America" pour profiter d'un passage en direct sur la première chaîne d'info TV française.
Voilà qui ne pourra que confirmer nos craintes les plus fondées concernant le replis identitaire que l'on voit monter partout:c'était étrange sinon symptomatique d'entendrele pire de l'argumentaire régionaliste (breton en l'occurence) dans la bouche de ce citoyen américain fier d'avoir voté Donald Trump!