La réunification de la Normandie c'est avant tout de la réunification de l'Estuaire de la Seine pour en faire un espace fonctionnel commun, cohérent, le véritable moteur normand avec trois agglomérations étroitement connectées et une façade portuaire d'intérêt national et européen.
Le visuel d'Heula proposé par la CCI du Havre en 2015 pour les Vingt ans du pont de Normandie...
Le problème que nous avons ici en Normandie c'est que les méthodes et les expériences pour penser un tel territoire en réseau urbain et logistique, en interface maritime et fluvial ne sont pas françaises et sont même totalement étrangères au modèle français qui est profondément terrien et centralisé.
La TRIPOLITAINE NORMANDE constituée de Rouen Métropole et préfecture régionale et grand port maritime, du Havre grand port maritime d'intérêt national et européen et de Caen capitale politique et technopole régionale: l'ensemble pesant en terme de population l'équivalent de la métropole de Lyon à moins de deux heures de voiture du Grand Paris: il y a donc un intérêt majeur à créer toutes les continuités de circulation routières et ferroviaires entre les trois pôles urbains de la tripolitaine normande avec, en son coeur, l'estuaire de la Seine et son potentiel maritime et logistique (HAROPA devant piloter l'hinterland grand parisien et français à partir d'un véritable "Gateway" normand... et non l'inverse!)
Le potentiel normand demeure sous exploité car il est vieillissant tout en restant inachevé et inadapté: les radiales vers Paris dominent et justifient le système tout en l'usant (sous-investissements dans des modes logisitiques et des itinéraires alternatifs) jusqu'au jour où sera proposée à la mégalopole parisienne (la plus terrienne et la plus provinciale des grandes mégalopoles mondiales et qui se contrefout de savoir comment et par où lui provient ce dont elle a besoin) un autre accès aux flux commerciaux maritimes (par le futur canal Seine Nord) que le canal historique et naturel de la vallée de la Seine...
Le temps est vraiment venu que les Normands s'occupent enfin de leurs affaires par eux-mêmes! La réunification de la Normandie était la première étape indispensable pour que cela soit enfin possible: les affaires maritimes normandes ont beau être suffisamment importantes pour être d'un intérêt national et stratégique supérieur pour le pays. Visiblement ces 40 dernières années on n'en a pas vu beaucoup les effets sur le terrain normand. Le projet du Havre port 2000 fut le dernier grand projet d'envergure porté par un Etat qui était encore un Etat stratège il y a vingt ans. Depuis plus grand chose si ce n'est de nombreuses palabres et une danse du ventre à la mode Grumbach pour que le futur Grand Paris veuille bien s'intéresser à nous...
Faudra-t-il l'ouverture du canal Seine Nord Europe pour faire comprendre à certains à Rouen et au Havre que le rêve d'Antoine Grumbach était un cauchemar? Celui d'une division normande définitive et la captation de la Normandie utile de "l'Axe Seine" au Grand Paris comme dans les années 1960 avec les funestes conséquences que l'on sait pour l'espace normand.
La seule solution c'est une solution NORMANDE: la collectivité régionale de Normandie doit prendre le pilotage en main et imposer aux haut-fonctionnaies d'état , élus et chefs d'entreprise de la région que le modèle normand est, en France, un modèle très original...
Pour faire exister la Tripolitaine normande, il faudrait:
1) renforcer toutes les liaisons entre ces trois pôles urbains.
2) la sortir de la seule relation radiale de soumission à la région parisienne
3) la connecter à toute la Normandie à savoir les deux rives de la vallée de la Seine étendue jusqu'au Mont Saint Michel et Cherbourg pour la rive gauche et jusqu'à Dieppe et le Tréport pour la rive droite.
Sur ses deux rives élargies à la bonne échelle, les décideurs de la tripolitaine normande encadrant l'estuaire de la Seine pourront s'apercevoir de l'intérêt d'axes, d'itinéraires, tangentes, transversales alternatifs à l'Axe Seinepour ne plus faire de Paris le terminus de la Normandie. (ex: axe Plantagenêt Rouen- Caen- Alençon- Tours- Bordeaux- Espagne; axe Picardie- Champagne- Lorraine par Amiens et Tergnier pour le fret ferroviaire; axe "Route du blé" Rouen- Orléans...)
Cette réflexion stratégique globale d'un point de vue normand sur le Bassin parisien n'a jamais été réellement réalisé car le Bassin parisien c'est d'abord le bassin où Paris s'ébroue...
La Randstad Holland où le modèle parfaitement maîtrisé d'une mise en relation totale et permanente d'un ensemble d'agglomérations urbaines proches et complémentaires (autour de 80km d'une ville à l'autre). Pourquoi pas la même chose entre Caen, Rouen et Le Havre avec une intensité moindre (car les densités de population sont plus faibles)?
S'il y avait la possibilité de relier Caen, Rouen et Le Havre en train sous 45 minutes entre les trois villes avec 20 allers/retours par jour, ce serait une révolution... qui ferait apparaître à tous la puissance d'une évidence normande qui n'est pas française et le problème fondamental est là.
ANVERS
ROTTERDAM
HAMBOURG
ROUEN
LE HAVRE
CAEN
Ce modèle géographique normand pourrait plutôt participer de celui des villes portuaires du Nord de l'Europe de la Hanse avec une souveraineté locale, le communalisme portuaire, une autonomie d'acteurs locaux mis en relation: les décideurs normands de l'Estuaire doivent plutôt aller voir ce qui se passe du côté d'Anvers, la Hollande, Hambourg ou le Danemark pour toute une série de solutions pratiques, organisationnelles, de gouvernance et technologiques.
En conséquence, Il faut cesser au plus vite de considérer que l'estuaire normand ne serait que l'anus maritime classé SEVESO de Paris au bout d'un axe radial de domination amont/ aval mais comme l'exemple le plus méridional mais aussi le premier en arrivant de l'Ouest par la Manche (la mer la plus fréquentée du Monde) de cette Hanse portuaire et maritime européenne faite de réseaux interconnectés (ex: modèle logistique du "Gateway")
Cette révolution copernicienne est une obligation pour que les "ressources spatiales normandes" (pour parler comme le géographe Jacques Lévy qui en 2015 ne croyait pas à l'intérêt d'une région normande à l'Ouest de Paris) soient prises au sérieux à Paris mais surtout en Normandie car en matière maritime, il n'est pas certain que cela depuis Paris que l'intérêt national français soit le mieux perçu ou défendu!
Et on sait depuis Copernic que les révolutions se font d'abord dans les têtes: il va falloir encore attendre! Mais pourra t-on encore attendre des années? Cela fait près de 50 années que la Normandie attend son avenir, qu'elle attend surtout le moment de s'en occuper enfin par elle-même!