L'Etoile de Normandie publie le communiqué de presse suivant diffusé dans la journée du 26 juillet 2016 par Monseigneur Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, Primat de Normandie:
COMMUNIQUE DE PRESSE DE L’ARCHEVEQUE DE ROUEN
SUITE A LA PRISE D’OTAGES DE SAINT-ETIENNE-DU-ROUVRAY
De Cracovie, j’apprends la tuerie advenue ce matin à l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray.
Elle fait trois victimes : le prêtre, le Père Jacques Hamel, 84 ans, et les auteurs de l’assassinat. Trois autres personnes sont blessées dont une très grièvement.
Je crie vers Dieu, avec tous les hommes de bonne volonté. J’ose inviter les non-croyants à s’unir à ce cri ! Avec les jeunes des JMJ, nous prions comme nous avons prié autour de la tombe du Père Popielusko à Varsovie, assassiné sous le régime communiste.
Le vicaire général, le Père Philippe Maheut, est sur place depuis les premiers moments. Je serai dès ce soir dans mon diocèse auprès des familles et de la communauté paroissiale très choquée.
L’Eglise catholique ne peut prendre d’autres armes que la prière et la fraternité entre les hommes. Je laisse ici des centaines de jeunes qui sont l’avenir de l’humanité, la vraie. Je leur demande de ne pas baisser les bras devant les violences et de devenir des apôtres de la civilisation de l’amour.
Dominique Lebrun
Archevêque de Rouen
26 juillet 2016
Père Jacques Hamel
Néà Darnétal (Seine-Maritime) le 30 novembre 1930
Ordonné prêtre à Rouen le 30 juin 1958
Vicaire à Saint-Antoine de Petit-Quevilly en 1958
Vicaire à Notre-Dame de Lourdes de Sotteville lès Rouen en 1967
Curé de Saint-Pierre lès Elbeuf en 1975
Curé de Cléon en 1988
Curé« in solidum » de Saint-Etienne du Rouvray en 2000
Prêtre auxiliaire à Saint-Etienne du Rouvray depuis 2005
- Lire ci-après le portrait de Jacques Hamel, un homme bon... tout simplement:
Le prêtre Jacques Hamel, 86 ans, tué mardi dans son église, à Saint-Etienne-du-Rouvray, par deux hommes se revendiquant du groupe État islamique (EI), était un homme "très actif" , "toujours présent" pour les autres.
Le père Jacques Hamel, âgé de 86 ans, était un homme bon, qui a "toujours été au service" des autres, a déclaré, mardi 26 juillet, Philippe Maheut, le vicaire général du diocèse de Rouen. Cet écclésiastique, né en 1930 à Darnétal, une commune de Seine-Maritime, a étéégorgé dans son église de Saint Etienne du Rouvray, près de Rouen. L'homme, ordonné prêtre en 1958 avait fêté son jubilé d'or en 2008.
Il officiait depuis 10 ans en tant que prêtre auxiliaire dans cette église de Saint-Étienne-du-Rouvray. "Il était toujours présent pour célébrer les baptêmes, les mariages, les obsèques, pour rencontrer des personnes. C'était quelqu'un de très actif", a ajouté le vicaire.
Interrogé par Libération, le père Auguste Moanda Phuati, curé de la paroisse de Saint-Etienne-du Rouvray depuis cinq ans, décrit Jacques Hamel comme quelqu’un de "chaleureux, simple, vivant modestement", et "très apprécié de la population". Le père assassiné le secondait à la paroisse et célébrait la messe pendant lorsqu’il était absent. "J’ai appris ce qu’il s’était passé en allumant la télévision", raconte le prêtre, bouleversé, avant d'ajouter : "[Nous n'avions] jamais reçu de menaces".
"À la mosquée, on est abasourdis"
Kalminthe Gomis, un habitant de Saint-Étienne-du-Rouvray et fidèle de l'église où officiait le prêtre Jacques Hamel, a raconté qu'il était"un homme très gentil, très impliqué dans la vie de la commune". Puis il poursuit : "Il prêtait souvent des salles à d’autres communautés religieuses, que ce soit des catholiques d’autres églises ou la communauté musulmane."
Jacques Hamel célébrait son office quand deux hommes ont pénétré dans l'église avant de l'égorger. Les assaillants ont été abattus par la Brigade de recherche et d'intervention (BRI). L'attaque a été revendiquée par le groupe État islamique (EI).
Le président du Conseil régional du culte musulman de Haute-Normandie, en charge de la mosquée de Saint-Étienne-du-Rouvray, s'est dit "effaré par le décès de mon ami". "Je ne comprends pas, toutes nos prières vont vers sa famille et la communauté catholique", a déclaré Mohammed Karabila. "C'est quelqu'un qui a donné sa vie aux autres. On est abasourdis à la mosquée", a-t-il ajouté.
Cette nouvelle attaque survient après une série d'attentats qui a visé ces derniers mois les symboles de l'identité française : ses lieux de sorties, ses terrasses, la fête du 14-Juillet et désormais sa culture judéo-chrétienne.
Qui était Jacques Hamel, ce prêtre assassiné qui prônait le dialogue interconfessionnel ?
Serviteur de l’Eglise malgré son âge, le père Jacques Hamel, en poste auparavant àCléon, résidait dans le presbytère près de ses ouailles et voulait poursuivre son activité tant que ses forces le lui permettraient, l’âge de la retraite étant fixéà 75 ans.
«Il était Prochedes petites gens»
Le père Moanda Phuati rentrait du Congo, son pays d’origine, lorsqu’il a appris la terrible nouvelle de la prise d’otages perpétrée par deux hommes se revendiquant de Daesh, lors de laquelle son auxiliaire a étéégorgé.
Face à la pénurie de prêtres, l’octogénaire souhaitait continuer à s’occuper des paroissiens et remplaçait donc le curé titulaire si besoin. Hier matin, la messe en l’église Saint-Étienne, une des deux paroisses de la ville, se déroulait en présence de cinq personnes, soit en très petit comité.
L’abbéJean-Paul Bouland, 82 ans, prêtre à la retraite au Havre, connaissait la victime depuis sa jeunesse. «Jacques Hamel était un copain de séminaire à Rouen quand nous avions 20 à 25 ans. Je l’ai revu par hasard il y a cinq-six ans à la chapelle Sainte-Thérèse du Madrillet, à Saint-Étienne-du-Rouvray. C’est le type même du non-politique, du non-militant: je dis ça parce que notre génération a vécu notamment avec la guerre d’Algérie. Il était effacé et discret, ne parlant pas de lui. Jacques était toujours dans les bons coups, jamais dans les mauvais. Il était parfaitement discret et sa mort fait parler de lui dans le monde entier. C’est quand même curieux, comme je le racontais ce matin à un ami [hier matin, N.D.L.R.]. C’est extrêmement bizarre qu’un homme si humble fasse parler de lui.»
L’abbé Bouland évoque un «prêtre proche des gens, des petites gens. C’était l’homme de Dieu. Je ne dis pas ça parce qu’il est mort brutalement et en martyr. C’était un petit bonhomme d’1,55m tout humble qui n’avait pas changé depuis ses 25 ans quand je l’ai revu récemment. Ce qui me marquait chez lui, c’était son humilité.»
Apprécié pour son dévouement, l’homme d’église ne manquait pas non plus d’humour. Lors des obsèques d’une de ses paroissiennes, auxquels n’assistaient que neuf personnes, il s’était tourné vers le fils de la défunte pour lui glisser «la quête ne sera pas grosse ce matin...»
Le vicaire général, Philippe Maheut, se souvient de «quelqu’un de très vif, toujours prêt à rendre service. Il avait vraiment le désir d’annoncer le message pour lequel il a donné sa vie».
En juin dernier, sur la lettre paroissiale, le père Jacques Hamel qui participait depuis dix-huit mois à un comité interconfessionnel avec le Conseil régional du culte musulman (lire par ailleurs) avait aussi délivré un message de paix et de concorde : «Puissions-nous en ces moments entendre l’invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, à en faire, là où nous vivons, un monde plus chaleureux, plus humain, plus fraternel».
Véronique baud et suzelle gaube
v.baud@presse-normande.com
s.gaube@presse-normande.com
« Je suis Effaré par le décès de mon ami »
« Rien ne laissait présager ce drame »
- Lire aussi cette analyse très pertinente proposée par Odon Vallet, historien et journaliste spécialiste du fait religieux en France:
Après l'attentat dans une église, un risque de "radicalisation" de certains catholiques selon l'historien Odon Vallet
Le 26 juillet à 19h10 | Mis à jour il y a 6 heures
L'écrivain, historien des religions et journaliste, Odon Vallet pointe le risque de "radicalisation d'une partie de l'opinion catholique", dont la communauté musulmane pourrait être victime PHOTO/AFP Joël Saget
Après l'attentat commis mardi dans une église près de Rouen, où un prêtre a étéégorgé, il existe un risque de "radicalisation d'une partie de l'opinion catholique", dont la communauté musulmane pourrait être victime, estime l'historien des religions Odon Vallet, auteur d'un "Petit lexique des guerres de religion d'hier et d'aujourd'hui" (Albin Michel).
Êtes-vous surpris par cette attaque dans une église? "Non, pas du tout, les terroristes s'en prennent à la fois à la France laïque et à la France catholique. Il était hélas logique qu'un prêtre en fut la victime. Après la tentative ratée à Villejuif (Val-de-Marne) en 2015, malheureusement, là, ça a réussi. Les conséquences émotionnelles sont considérables. Le cadre où cela s'est déroulé est celui de milliers de petites villes et bourgades. Ce n'est plus seulement Paris ou une grande ville comme Nice, c'est une bourgade de la France profonde avec une église catholique comme il y en a des dizaines de milliers. Il y a tout à coup une irruption de la violence. Un prêtre tué dans sa propre église, c'était arrivé pendant les guerres de religion au XVIe siècle, mais jamais récemment en France pour un motif religieux. Il y a eu des prêtres français tués en Algérie, les moines de Tibéhirine ou l'évêque d'Oran, Mgr Pierre Claverie (tués en 1996), mais c'était hors du territoire."
Quelles peuvent être les conséquences de cet attentat au sein de la communauté catholique? "Le vrai risque, c'est une radicalisation d'une partie de l'opinion catholique, dont une part non négligeable déjà vote Front national. Désormais, il pourrait y avoir une opinion catholique, non pas unanime, mais assez importante qui demande des actes plus forts à l'égard de l'islamisme violent, avec le risque de s'en prendre à la communauté musulmane. Et c'est ce que cherche Daech (acronyme arabe de l'État islamique): diviser et dresser musulmans contre catholiques, sachant que la France est la patrie des Croisades."
Que peuvent dire, et faire, les responsables religieux pour éviter de telles divisions? "Mgr Dominique Lebrun, l'archevêque de Rouen, est un homme très modéré, très ouvert. Je pense qu'il est parfaitement conscient des risques de radicalisation, et qu'il fera tout pour les éviter. Cela étant, on ne peut pas nier qu'une partie de l'opinion catholique est tout à fait ouverte à cette radicalisation, celle qui n'apprécie déjà pas beaucoup les messages du pape François sur les migrants et les appels au dialogue et la coexistence des religions. La plupart des musulmans, eux, adoptent aujourd'hui un profil bas parce qu'ils désapprouvent totalement ces horribles attentats, mais en même temps, il est très difficile pour eux de s'associer à ceux qui, sous prétexte de lutter contre l'islamisme violent, veulent aussi lutter contre l'islam, le voile, etc. Ce n'est vraiment pas évident pour les leaders musulmans de définir une ligne de conduite."