Avant l'été 2016, les cinq départements normands doivent être couverts par une nouvelle carte hospitalière, celle des Groupements Hospitaliers Territoriaux (GHT) dont le but est de coordonner l'offre des soins sur le territoire en mutualisant les hôpitaux voire en les spécialisant avec, pour chaque GHT, un pôle hospitalier référent. A priori, c'est une réorganisation qui semble logique pour permettre une plus grande efficacité pour éviter les doublons et les gaspillages de l'argent public. Mais s'il s"agit surtout de faire des économies et d'en faire le plus vite possible en passant la réforme en force sinon au forceps sans tenir compte des réalités de chaque territoire, nous aurions, avec cette première grande politique régionale d'aménagement du territoire normand, la dernière avanie d'un Etat central jacobin aussi autoritaire qu'il est impécunieux.
Dans un précédent billet sur l'Etoile nous avons relaté le coup de gueule de David Nicolas, le maire d'Avranches qui s'était élevé contre la création d'un seul GHT dans la Manche avec un pôle à... Cherbourg: l'Agence Régionale de la Santé de Normandie a fini par admettre qu'elle faisait fausse route.
Mais en Seine Maritime, à nouveau, la carte proposée sinon imposée par l'ARS ne fait pas l'unanimité!
Groupements hospitaliers de territoire : l’heure des grandes manœuvres dans les hôpitaux de Normandie
Recomposition. Passée au second plan de la colère des médecins généralistes contre la loi Santé de Marisol Touraine, la mise en place des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) est pourtant l’un des gros chantiers du ministère pour l’année 2016. Dans sa volonté de faire des économies, mais aussi de proposer une offre de soins plus rationnelle, la ministre a engagé une vaste réforme pour préparer l’hôpital de demain. Chaque région disposera ainsi de gros pôles de santé regroupés autour d’un hôpital référent. Le projet avance à marche forcée et tout doit être prêt d’ici l’été. Mais en Seine-Maritime, des élus s’inquiètent... Explications.
Le CHU Charles-Nicolle de Rouen deviendrait l’établissement de référence d’un GHT prévu pour un million d’habitants en Seine-Maritime
Instaurés par la loi Santé, les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont vocation à améliorer les prises en charge des patients tout en mutualisant les moyens des établissements, sur la base d’un projet médical commun et en fonction des besoins d’un territoire. Chaque hôpital devra obligatoirement intégrer l’un de ces GHT d’ici au 1er juillet. Mais si la Fédération hospitalière de France (FHF) s’est toujours montrée favorable à la mesure, la qualifiant de «révolution silencieuse», les premières versions des décrets d’application «dénaturent l’esprit de la loi»en instaurant une «bureaucratisation extrêmeau détriment des «acteurs de terrain», s’inquiète son président, Frédéric Valletoux.
Réécrire le projet (NDLR: JACOBIN?)
La FHF a donc demandé fin février à la ministre de la Santé la réécriture du projet de décret sur les GHT, dénonçant un manque de souplesse inadapté aux réalités locales. Par exemple, l’obligation de mettre en place une trésorerie commune pour les hôpitaux membres d’un GHT n’est pas souhaitable, dans la mesure où certains«désirent des quasi-fusions», quand d’autres préfèrent conserver leur autonomie.
En Normandie, comme dans d’autres régions, des élus montent aussi au créneau. Dénonçant les déserts médicaux normands, ils s’inquiètent des «hypothèses de travail»émises par l’Agence régionale de santé (ARS) Normandie. Dans un courrier adresséà sa directrice générale, Monique Ricomes, des élus (Sébastien Jumel maire de Dieppe, conseiller régional ; Dominique Chauvel, députée maire de Saint-Valery-en-Caux ; Xavier Lefrançois, maire de Neufchâtel-en-Bray, conseiller régional ; Laurent Jacques, maire du Tréport ; Yves Derrien, maire d’Eu) s’en inquiètent. Le GHT autour du CHU de Rouen engloberait ainsi un million d’habitants entre Louviers, Eu, Yvetot, Neufchâtel-en-Bray, Saint-Valery-en-Caux, Dieppe et la métropole rouennaise en son centre. D’autres GHT sont prévus autour des hôpitaux du Havre, Évreux, Caen, Cherbourg...
Ces élus normands estiment que la taille de ce GHT «pose question»puisqu’il représente «trois fois la taille critique minimale de 250000 à 300000 habitants»fixée par l’ARS. «Qu’y a-t-il de commun en termes de besoins entre la métropole rouennaise et les villes moyennes et leurs alentours?, s’interrogent-ils. Il est à craindre que ce centre, qui détiendra de facto le pouvoir de décision compte tenu de son poids en termes de démographie, d’infrastructures et de ressources humaines, concentre progressivement de plus en plus de moyens. Il est à craindre qu’il ne devienne, au nom de la nécessaire mutualisation et dans un contexte de restrictions budgétaires, un hypercentre au détriment des villes moyennes, dont les établissements de santé seraient progressivement déshabillés de leurs services.»
Sébastien Jumel, maire de Dieppe, agite le chiffon rouge et dénonce de futures pertes d’emploi avec les mutualisations de services comme les achats, les finances, l’informatique... «C’est à l’aune de critère financier que l’ARS validera in fine les périmètres des GHT qui lui seront soumis et l’ARS ne donne aucune indication sur la place qu’elle accordera à l’objectif de la loi santé d’égalité d’accès à des soins de qualité.»L’élu communiste met en exergue le risque de médecine à deux vitesses et la précipitation de la mise en place de la réforme.
Du temps au temps...
En ce sens, il est rejoint par la communauté hospitalière de Dieppe qui, si elle ne s’oppose pas formellement au GHT, demande du temps au temps. «Avec quatorze établissements hospitaliers et vingt-six établissements médico-sociaux et l’importance du projet pour la Seine-Maritime, le calendrier prévu pour atteindre l’objectif n’est pas réaliste.»Les médecins dieppois soulignent ainsi qu’ils travaillent depuis plusieurs années avec l’hôpital Charles-Nicolle de Rouen à un «maillage territorial» et qu’il «faut en consolider le fonctionnement sur notre territoire, avant d’intégrer dans un second temps un grand GHT regroupé autour du CHU».
L’ARS indique pour sa part qu’il ne s’agit que «d’hypothèses de travail» d’un sujet important débattu avec la Fédération hospitalière de France en Normandie. «Nous attendons les contre-propositions pour aboutir à un consensus fin mars-début avril et faire émerger les périmètres où les professionnels de santé ont envie de s’inscrire. C’est vrai que le débat est animé, mais c’est l’enjeu de la concertation», souffle Vincent Kauffmann, directeur-adjoint de l’ARS Normandie.
A.L.
a.lemarchand@presse-normande.com
Un rapport pointe les risques des GHT
Gare à ne pas constituer des mastodontes qui auraient pour effet de perdre le lien de proximité: c’est en substance les recommandations d’un rapport remis cette semaine à la ministre de la Santé, Marisol Touraine.
Les Groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui doivent instaurer un nouveau maillage dans la prise en charge des patients, devront être de taille «raisonnable», mettent en garde les auteurs d’un rapport remis mercredi au ministère de la Santé. Instaurés par la loi Santé, les GHT ont vocation à développer une prise en charge«graduée» des patients en mutualisant les moyens des établissements au niveau d’un territoire.
Avant le 1er juillet, chaque hôpital inscrit dans ce périmètre doit conclure une convention autour d’un «projet médical partagé»dans lequel seront décrits par filière les parcours des patients par niveau de prise en charge, ainsi que les responsabilités de chaque site, précise le rapport commandé par la ministre de la Santé, Marisol Touraine.
Radiologie et biologie: vers des mises en commun
Les débats semblent s’orienter «vers la constitution de très gros GHT ne reflétant pas les parcours des patients», s’inquiètent les auteurs du document, Jacqueline Hubert, directrice du CHU de Grenoble et le Dr Frédéric Martineau. «Mettre en place des GHT de grande taille est pourtant porteur de risques» notamment car ils pourraient être «trop lourds à gouverner car rassemblant un trop grand nombre d’établissements», préviennent-ils, au risque de «de créer des coquilles vides».
«À l’inverse, mettre en place des trop petits GHT présente le risque de passer à côté de l’objectif de gradation des soins (...). Les mutualisations en seront également plus difficiles»compte tenu notamment«du potentiel d’économies d’échelle», peut-on lire.
En conclusion, les auteurs appellent à«porter un discours sans ambiguïté (...) quant au périmètre et à la taille à retenir», demandant à la ministre de la Santé de préciser les «attendus de cette mesure».
Parmi ses autres recommandations, le rapport préconise de «faciliter l’organisation en commun des activités médico-techniques», notamment dans le domaine de la biologie et de l’imagerie.
Les auteurs conseillent ainsi «au vu de l’état de la démographie» des radiologues de «mettre en commun»les équipements et de «regrouper les équipes paramédicales»des établissements. La radiologie est la deuxième spécialité médicale la moins attractive (on comptait 40,9 % de postes vacants au 1er janvier 2015), rappelle le rapport.
Pour la biologie, cela pourrait conduire à la mise en place d’un «laboratoire commun». Le rapport recommande toutefois de ne pas «systématiser la convergence (...) dès lors que l’activité dépasse un certain volume».
Pour finir, la mission propose également de tarifer les téléconsultations à l’acte et d’introduire un forfait annuel pour les «établissements requérants»qui accueillent le patient et supervisent le bon déroulement de la téléconsultation. La ministre devait installer le comité de suivi hier jeudi.
Le Sros retoqué par la région
La commission permanente de la Région vient de rendre un avis défavorable sur le Schéma régional d’organisation des soins (Sros), sous l’impulsion des deux élus communistes Sébastien Jumel et Céline Brulin. Il s’agissait de la 5e révision du Sros bas-normand, en attendant la mise en place d’un schéma normand en 2017-2018.
Adopté en 2013, le Sros est un dispositif de planification de l’offre de soins. S’inquiétant de la prolifération des déserts médicaux en Normandie, la Région demande ainsi le maintien de lits de médecine à l’hôpital d’Aunay-sur-Odon, ainsi que le maintien à l’hôpital de Falaise d’une permanence de soins pédiatriques «dont la suppression, après la fermeture de la maternité, fragiliserait l’offre de soins et les urgences de l’établissement».
L’ARS a donc pris bonne note et va poursuivre ses consultations avec les cinq départements et les communes. «La maternité de Falaise a cessé son activité depuis l’automne dernier, il fallait toiletter le Sros. La ligne pédiatrie a été supprimée mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de pédiatrie. À Aunay-sur-Odon, nous travaillons avec la communauté médicale et les élus pour repositionner l’établissement, en septembre prochain, sur des soins de suite au lieu du CHU de Caen», explique l’ARS.
Ce n’est pas la première fois qu’un avis défavorable est donné au Sros. Une rencontre entre le président de Région, Hervé Morin, et la directrice de l’ARS a eu lieu sur le sujet en fin de semaine dernière.
Commentaire de Florestan:
Sur la carte ci-dessous, première mouture du projet de GHT normands, les GHT de la Manche et celui d'un gros GHT Rouen- Dieppe sont donc contestés, non sans raisons...
Voir ci-après, pour mémoire, le courrier des élus de la ville d'Avranches à Madame Ricômes, présidente de l'ARS Normandie:
http://normandie.canalblog.com/archives/2016/02/24/33423855.html