Expérimentée depuis 2005 en Haute-Normandie avec l'accord "276", la coopération de finances et de projets entre les grandes collectivités territoriales d'une région (départements, communautés d'agglomération, métropole, conseil régional) va se généraliser dans le cadre de l'actuelle loi NOTRe avec, en toile de fond, la réduction de l'argent de poche donné par l'Etat central aux collectivités dans le cadre de la décentralisation (Dotation Globale de Fonctionnement).
En Normandie, on ne pourra qu'aprouver la naissance d'un "G6 Normand" (les cinq départements + le conseil régional) permettant de coordonner vision et finances autour d'un intérêt général normand commun; G6 qui doit aussi devenir un G9 car il faudrait aussi intégrer les agglos de Caen et du Havre et la métropole de Rouen à ce "directoire normand". Pour ce faire, le législateur a prévu la création d'une Conférence territoriale de l'action publique(CTAP) pour chaque région co-présidée par le préfet de région et le président de région: l'idée est d'y décider en commun de qui doit faire quoi et quoi financer ensemble, sachant que le conseil régional doit se trouver investi du rôle de "chef de file".
Et c'est là justement que cette admirable mécanique pourrait s'enrayer notamment du côté des conseils départementaux, s'ils sont présidés par des élus départementalistes, un tantinet jacobins et donc méfiants vis-à-vis de la montée du fait régional...
Avec Jean-Léonce Dupont, sénateur et président du conseil départemental du Calvados, officiellement favorable à l'unité normande, mais dans les faits et les propos, plutôt méfiant face à tout renforcement du pouvoir d'un conseil régional (qui plus est, d'un seul conseil régional en Normandie), nous avons, hélas, en Normandie l'élu typique qui illustrera de façon paradigmatique notre propos...
La coopération département/ région pour Monsieur Dupont ne semble pas aller de soi, ou dumoins, ne va pas sans arrières pensées pour continuer un combat d'arrière garde:le maintien des départements qui, à terme et au choix, doivent disparaître ou doivent être transformés en échelon de proximité subalterne de la région. En 2015, l'examen parlementaire, notamment au Sénat (refuge du lobby jacobin départementaliste) de la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) décidant la fin de la "clause de compétence générale" et fixant, entre autres, la nouvelle répartition des compétences entre région, départements et intercommunalités, a été un parcours du combattant et Jean-Léonce fut très vaillant à défendre le périmètre départemental contre toute avancée du périmètre régional.
Les usagers des transports en autocar entre Honfleur et Pont-Audemer ou les automobilistes qui roulent, parfois à leur risques et périls entre Tinchebray et Vire apprécieront à bon escient la nécessité de faire passer l'intérêt général régional sous la coupe du périmètre départemental qui tend à transformer le département en... île et la Normandie pourtant officiellement réunifiée en ... archipel.
Carte de l'ïle de Calvados:à l'instar de Saint-Hélier pour l'île de Jersey, la grande majorité des îliens du Calvados se concentrent dans la métropole caennaise qui dispose d'un port d'une certaine importance. La côte Nord est basse avec de grandes plages où débarquer contrairement à la côte Sud plus escarpée et sauvage avec de grandes falaises tombant à pic dans la mer de l'Orne...
Dans cet archipel de collectivités les relations sont nécessaires mais la compétition le dispute à la coopération au point que pour penser cette géographie régionale aussi étrange qu'impensable, Jean-Léonce est l'adepte d'un mot étrange qu'il est bien seul à utiliser:
COOPETITION ... Sournois mélange de compétition et de coopération
C'est pourquoi, à la différence du modèle expérimental du "276" haut-normand qu'il faudrait généraliser à toute la Normandie et qui était une coopération de finances pour des projets partagés dans le respect du champ de compétences de chaque collectivité, il faut craindre que la coopération département/ région à la sauce Jean-Léonce ne soit surtout la tentation de subordonner une collectivitéà l'autre, sous prétexte que l'une aurait plus de légitimité et de compétences à agir que l'autre ou que l'une doit nécessairement abonder financièrement l'activité de l'autre.
Les grandes collectivités normandes doivent coopérer: elles n'ont plus le choix.C'est la solidarité ou la mort, à terme, de la Normandie comme espace un tant soit peu autonome et attractif entre la région parisienne et la Mer.
Mais, manifestement, entre un combat commun à mener entre égaux et une lutte entre égos, Jean-Léonce n'a pas encore choisi...
- Voir l'article de Ouest-France suivant (édition caennaise, 11/01/16):
- Voir aussi les circulaires gouvernementales qui doivent clarifier les conséquences de la suppression de la "clause de compétence générale": Jean-Léonce le départementaliste va devoir apprendre à partager avec la région Normandie...
Compétences des collectivités : deux circulaires précisent les règles du partage![alt]()
Le gouvernement vient d’adresser aux préfets deux instructions « pour la bonne application » de la loi portant nouvelle organisation de la République (Notre) qui a modifié l’exercice des compétences des collectivités territoriales.
Dans leur première circulaire, les ministres de l’Intérieur, de la Décentralisation et le secrétaire d’Etat chargé de la Réforme territoriale commencent par détailler les effets de la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions. « Pour savoir si la région ou le département peut intervenir, il convient de rechercher si un texte lui a attribué la compétence », expliquent les ministres, renvoyant à un tableau très complet annexéà la circulaire qui récapitule les compétences concernées par niveau de collectivité.« Le bloc communal, qui conserve la clause de compétence générale, a la possibilité d’intervenir sur tous les sujets d’interêt local lorsque la compétence en question n’a pas été attribuée à une collectivité relevant d’une autre catégorie à titre exclusif », indique la circulaire.
Les ministres rappellent par ailleurs les modalités de l’action commune des collectivités. Cette action est commune dans le cadre des compétences qui restent partagées(culture, sport, tourisme, promotion des langues régionales et de l’éducation populaire), des compétences à chef de file et des délégations de compétences.
Cette première circulaire détaille enfin les nouvelles modalités d’interventions financières des collectivités pour le financement des projets publics. Il s’agit de la participation minimale des collectivités lorsqu’elles sont maîtres d’ouvrage et du principe d’interdiction des co-financements région-département.
La loi Notre a aussi renforcé les compétences économiques des régions dans la perspective de la refonte de la carte régionale devenue effective le 1er janvier dernier. La seconde circulaire est consacrée à l’exercice de ces nouvelles compétences régionales et, de façon plus générale, aux interventions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements. Le texte rappelle que la région est « dorénavant seule habilitée à attribuer certaines aides et dotée de la responsabilité exclusive de la définition sur son territoire des orientations en matière de développement économique ». Les régions auront notamment àélaborer des schémas régionaux de développement économique, d’internationalisation et d’innovation (SRDEII) (lire article ci-dessous).
La seconde circulaire revient également en détail sur les compétences des communes, des métropoles et des autres EPCI en matière économique. Elle rappelle ainsi que « communes et EPCI à fiscalité propre disposent de la compétence exclusive en matière d’aides à l’immobilier d’entreprises » et qu’ils conservent « la capacité d’intervenir même sans intervention préalable de la région pour octroyer des aides spécifiques », par exemple aux professionnels de santé en zones déficitaires .
De très nombreuses fiches détaillées et explicatives sont jointes à cette seconde instruction.
Télécharger la circulaire sur la clarification des compétences.
Télécharger la circulaire sur les interventions économiques.