Après "Bienvenue à Gataca", ce célèbre film d'anticipation scientifique quelque peu glaçant montrant la sélection d'une élite aéronautique socialement supérieure à partir d'un patrimoine génétique scientifiquement optimisé, certains seraient-ils en train d'imaginer un "Bienvenue à Vikingland" pour vainement agiter les valeurs cruelles et guerrières, aussi funestes que dépassées, de l'antique "Gens Normannorum", la "race" des Normands?
Après la cuisante défaite de 1871 contre les Allemands et pour se préparer mentalement à une revanche qui sera finalement une boucherie épouvantable dès les premières semaines de l'été1914, les Normands et la République française d'alors, dans une étrange coalition idéologique et de valeurs, ont mis en scène l'idéal guerrier Viking, notamment à l'occasion des fêtes du Millénaire normand de 1911.
Mais en ce début de XXIe siècle et après Deux guerres mondiales mais surtout, après 40 années de langueurs dans une Normandie affaiblie économiquement et divisée politiquement, le retour à l'unité normande nous fouette le sang ! Stimule notre volonté collective et notre détermination àêtre Normand pour que l'avenir revienne habiter chez nous... Mais faut-il pour autant, une prise de sang? (ou, en l'occurrence, un prélèvement salivaire...)
TOUTAIN ANQUETIL INGOUF... Les Vikings n'ont pas toujours eu THOR ! Puisqu'en osant leur propre assimilation culturelle et religieuse tout en organisant la fusion des peuples présents alors sur le territoire (Iro-Norvégiens, Danois, Saxons, Celtes de grande ou de petite Bretagne, Francs et Gallo-romains), ils ont réussi la seule "Normandie" qui a réussi dans l'Histoire...
L'initiative prise récemment par nos amis animateurs du patrimoine du pays d'art et d'histoire du Clos du Cotentin, d'organiser concrètement l'expérience menée par une équipe de chercheurs universitaires britanniques qui se propose de démontrer la cohérence entre noms de famille d'origine scandinave et et patrimoine génétique fait polémique... et nous remplit de perplexité !
Tests ADN: les Normands ont-ils des origines Vikings?
Des analyses ADN à partir de salive sont effectués sur près de 200 volontaires.
REUTERS/Michaela Rehle
Des universitaires britanniques procèdent à des relevés ADN dans la population du Cotentin pour trouver des gènes prouvant la colonisation de la Normandie par les Vikings.
Des universitaires britanniques vont étudier l'ADN d'une centaine d'habitants du Cotentin, collecté lundi et mardi, pour en savoir plus sur la colonisation de la Normandie par les Vikings, un recours à la génétique qui inquiète le Mrap.
"L'objectif, c'est de connaître l'intensité de la colonisation scandinave aux IXe et Xe siècle dans le Cotentin, son ampleur, mais aussi si les colons sont restés entre eux ou bien se sont mariés avec les locaux", explique Richard Jones, de l'université de Leicester, entre deux collectes de salive à Valognes (Manche).
La pointe du Cotentin pour zone de tests
L'université, qui a fait parler d'elle lorsqu'elle a identifié les restes de Richard III, mène une étude visant à comparer les diasporas scandinaves de quatre régions, trois britanniques, une française, la presqu'île du Nord Cotentin. Financées par la fondation Leverhulme Trust, ces données génétiques doivent compléter celles fournies notamment par l'archéologie.
La pointe nord-ouest de la Normandie compte un nombre important de toponymes et de patronymes scandinaves. Mais le volet normand de l'étude - autour de 300.000 euros de budget - aurait pu aussi être décliné dans le Pays de Caux, précise M. Jones, qui est responsable du volet normand de l'étude.
Une colonisation actée en 911
"La Normandie est la seule fondation politique durable établie par les Vikings sur le continent" européen, rappelle-t-il. La Normandie est née en 911 lorsque le roi Charles le Simple, débordé par les Vikings, confie à un des leurs, Rollon, les pays autour de la Basse-Seine.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés a donné deux jours à ce maître de conférence en histoire pour collecter l'ADN des volontaires. Pour participer, il fallait avoir un nom de famille présent depuis le XIe siècle en France ou d'origine scandinave (comme Anquetil) ou bien avoir quatre grands-parents ayant toujours vécu dans un rayon de 50 km autour de son lieu de vie actuel. Les volontaires recevront leur résultat à la fin de l'année. Et l'étude devrait être publiée en 2016.
Gare à"la récupération"?
Mais le Mrap (Mouvement contre le racisme) redoute qu'elle ne soit détournée. "On craint que cela développe l'idée qu'il y a de vrais Normands et de faux Normands. Quand on voit en Une de certains journaux des photos de guerriers vikings brandissant leurs armes avec en titre 'avez vous du sang viking?', on ne peut que s'inquiéter", pense Jacques Declosmenil, président du Mrap dans la Manche.
"Dans le contexte actuel de montée de la xénophobie, c'est extrêmement dangereux, certains racistes pourraient par exemple se dire 'j'aurai la preuve que j'ai pas de sang arabe'", ajoute l'ex-conseiller municipal MRC de Saint-Lô. "Personne ne pourra dire cela", répond M. Jones. "Nous n'étudions que 2% de l'ADN pour en conclure éventuellement qu'il y a une probabilité qu'autour du Xe siècle une personne ait un ancêtre scandinave." Tout est donc possible pour les 98% restants.
Concrètement, les volontaires recevront une feuille avec des codes et leur interprétation. Le I1 par exemple est "un sous-groupe de I, peuple de chasseurs-cueilleurs présent en Europe il y a plus de 10.000 ans. I1 est fréquent en Scandinavie et par conséquent un possible signe d'un ancêtre viking".
Prudence à l'université de Caen
La démarche des chercheurs n'a rien à voir avec celle d'entreprises privées qui commercialisent ce genre de tests sur internet (autour de 450 euros) et en tirent des conclusions "souvent sans fondement scientifiques", ajoute M. Jones.
A l'université de Caen, on reste prudent. "J'avais prévenu mes collègues britanniques que c'étaient des questions extrêmement sensibles en France. Nous, on ne pratique pas ça", explique Pierre Bauduin, professeur d'histoire médiévale. "Il faut faire effectivement très attention à ce qu'il n'y ait pas de récupération."
Lundi matin, les quelques volontaires venus à Valognes semblaient loin de ces questions. "Ça nous intéresse de savoir d'où on vient. C'est marrant de savoir, et puis, on donne un coup de main", explique Clovis Rolland, 47 ans, avant d'écouter avec attention les interviews de M. Jones.
Commentaires de Florestan:
La Fierté retrouvée d'être Normand n'a pas besoin de Vikingnolâtrie, qui à l'instar de la celtomanie pratiquée par certains de nos voisins d'outre Couesnon, participe d'un régionalisme qui en est encore au stade infantile...
Tout l'enjeu historique de la présence Viking de part et d'autre du val de Seine à partir de 911 a été justement celui de l'assimilation au point d'abandonner totalement ou presque la langue norroise et la religion polythéiste scandinave (et cela ne fut pas facile...) au profit d'un grandiose projet politique dans le cadre de l'antique Seconde Lyonnaise romaine: l'archevêque de Rouen n'avait-il pas soufflé ce projet à Ralf le Marcheur ? Celui de disparaître en tant que Viking pour avoir une postérité millénaire en tant que... Chrétien et Normand?
Rappelons enfin à ceux qui auraient peur de l'identité normande que l'histoire normande est celle d'une belle réussite d'intégration et d'assimilation culturelle et politique partout où les Normands se sont établis: ainsi en Sicile, où la pierre de consécration de la cathédrale de Montréale comporte trois inscriptions: latine, normande et arabe...